Le diable et son chien

Je vous présente un texte écrit dans le cadre d’un atelier d’écriture en bibliothèque. Je l’ai peaufiné et arrangé une fin afin de le rendre publiable sur  mon blog. C’est une expérience très intéressante, ludique et stimulante, et j’espère avoir d’autres occasions d’y participer.

Le sujet: Trouvez le maximum d’expressions avec chacun des mots suivantes: diable, chien. Choisissez l’un des deux mots et rédigez un dialogue dans lequel vous utiliserez les expressions les concernant.

J’ai pris la liberté avec les consignes, en faisant la part  belle aussi bien au chien qu’au diable. 

LE DIABLE ET SON CHIEN

L’heure était entre chien et loup et je me promenais le long d’une paisible rivière quand  soudain un boucan du diable m’arracha à ma quiétude. On eût dit que quelqu’un se débattait dans l’eau. Je m’avançai et surpris un homme, la tête ornée de cornes, affairé à noyer un chien.

– Mais que diable faites-vous ! m’écriai-je.

– Ça se voit, non ? me répondit-il, j’essaie de noyer cette sale bête, mais j’ai un mal de chien.

Le pauvre animal se démenait entre les mains puissantes de son tortionnaire, s’agitant comme un diable dans un bénitier. Je ne pouvais me résoudre à passer mon chemin et laisser cet assassin aller jusqu’au bout de son crime. Je poussai violemment l’individu, libérant ainsi ce pauvre diable de chien de son sort funeste.

– Nom d’un chien ! Mais de quoi je me mêle ! s’emporta l’homme.

– Monstre ! C’est ainsi que vous traitez votre fidèle compagnon !

– Il est devenu instable, un véritable danger pour son entourage ! argua ce vil personnage.

–Ben voyons, qui veut tuer son chien l’accuse de la rage !

L’homme se présenta comme étant le diable et se targua au passage d’être l’inventeur de cette maladie canine. Le temps manquerait pour vous énumérer tout ce qu’il avait pu créer du même tonneau, entre autres la peste et le choléra. Le chien, qui le servait en qualité de cerbère, n’entendait pas se plier au rapport maître-animal.

– Ma créature veut me dominer, l’accusa-t-il. Dès le début, je l’ai trouvé réticente. Je me suis dit que ce serait bien le diable si elle ne succombait pas à moi. J’ai voulu lui enseigner à faire le vilain. Elle restait là à me regarder en chien de faïence. Peu à peu ma vie est devenue un enfer ! Moi qui ne craint ni dieu ni moi-même, en avait la chair de poule !

Le diable n’espérait tout de même pas des circonstances atténuantes, ni faire de moi son avocat !

– Votre Cerbère est mignon, regardez-le me faire des papouilles. C’est sûrement un bon diable. Au lieu de lui jeter la pierre, lancez-lui la balle.

Le toutou, reconnaissant de mon geste, me léchait affectueusement la main. Sur son collier était gravée son adresse : Au diable vauvert.

– Vous ne méritez pas de chien ! assénai-je à son maître indigne. Vous l’avez dressé à la diable pour garder votre obscur royaume. Et comme il s’obstine à ne pas vous servir, vous voulez le noyer.

Un sourire fourbe se dessina sur son visage méphistophélique.

– Très bien, puisque vous semblez attaché à cette bête, me dit-il, je vous la vends !

Son prix était pour le moins diabolique. Je me voyais incapable de débourser une telle somme, moi qui tirais déjà le diable par la queue. Mais au point où j’en étais, que risquai-je à tirer dessus un peu plus fort ? Je m’emparai alors de l’appendice fourchu du démon, le fis tournoyer autour de moi à la façon des lanceurs de poids avant de le lâcher d’un coup. Le cornu plongea droit dans la rivière. Il s’ensuivit un grand plouf. Après quelques secondes, une tête émergea dans un bouillonnement d’écume.

– Au secours ! Je ne sais pas nager ! hurla le diable, se maintenant à grand-peine à la surface.

– Aide-toi et le ciel t’aidera… répondis-je froidement, avant d’ajouter : peut-être ! Tu viens le chien ?

Je vis alors l’animal plonger à son tour dans l’eau glacée pour porter secours  à son maître. Si farouche fut-il, le molosse n’en conservait pas moins une fidélité à toute épreuve. Je poursuivis mon chemin, doutant que le chien eût fait le bon choix. Secourir la main qui vous voulait vous noyer, est-ce que n’est-ce pas tenter le diable ?