Léo se met au vert (suite et fin)

Léo pose son livre et s’allonge sur le banc le temps d’une sieste. Ses paupières se ferment. Une voix le réveille.

VOIX
Je vous écoute.

Il se redresse et découvre à côté du banc un homme en chemise sur un fauteuil en cuir, un calepin sur ses genoux, l’air absorbé. L’homme fourrage dans sa barbe avec un stylo.

LEO
Quoi vous m’écoutez?

L’HOMME
Et bien vous avez un gros problème et je peux vous aider à le résoudre. Parlez sans honte.

LEO

Quoi? Ici? Maintenant?

Il regarde autour de lui pour vérifier que personne ne l’entend. Après s’être assuré, il s’allonge à nouveau et se livre.

LEO
C’est vrai, vous avez raison… J’ai un gros problème… Je vois des tas de choses totalement insensées. Des manèges vivants, des soucoupes volantes. Je fantasme sur tout ce qui est autour de moi, je crois que suis cinglé.

PSY
Hum hum

LEO
Peut-être que vous-même n’existez que dans mon imagination. Alors c’est pour vous dire si ça tourne pas rond !

Une autre voix, moins chaleureuse, l’interrompt.

VOIX
Ca vous dérangerait que je m’assoie?

Léo rouvre les yeux. Un petit vieux est planté à côté du banc, appuyé sur sa canne.

LE VIEUX
Le banc n’est pas qu’à vous, jeune homme.

Le patient se redresse, cherche des yeux le psy et son fauteuil. Disparus. Il prend son livre, se lève et s’en va sans un mot.

EXT. Les grilles DU PARC

Léo sort du parc et descend la rue. Il longe un large trottoir bordé d’arbres. Un tapis de feuilles mortes rouvre le sol.

Une bourrasque fait s’envoler les feuilles. Le vent les fait tournoyer dans les airs. Les feuilles tourbillonnantes forment peu à peu une silhouette féminine. Un oeil attentif reconnaîtra une danseuse Arabe effectuant la danse du nombril. Une flûte orientale accompagne la séquence.

Un souffle d’air vient anéantir cette sensuelle chorégraphie. Un agent d’entretien apparaît avec un souffleur à feuilles. Léo qui rêvait devant cette danse atypique, retombe de son nuage.

EXT. la rue

Léo traverse la rue en face de laquelle l’attend une bouche d’égout vivante, avec des lèvres humaines. La bouche s’ouvre en grand et renvoie des relents très désagréables au passant. Léo, qui s’est tout pris dans le nez, fait un geste de ventilation avec une grimace. Il contre-attaque avec un pschitt pschitt pour l’haleine en en administrant plusieurs coups à la bouche puante. Un nuage glacé s’élève des égouts.

ext. UN IMMEUBLE TYPE HAUSMANNIEN

Léo stoppe à l’entrée de l’immeuble, regarde sur un papier où est écrit « Docteur Zinzin, médecin psychiatre » avec l’adresse indiquée, vérifie sur une plaque qu’il se trouve au bon endroit avant de pousser la porte.

INT. salle d’attente

Plusieurs personnes attendent leur tour, avec toutes des têtes bizarres, parmi lesquelles Léo et un enfant assis à côté de lui, en train de griffonner un dessin. Au bout d’un moment, le gosse lui tend son oeuvre.

LE GOSSE
Regarde monsieur, il est beau mon dessin, hein?

Léo le regarde.

LE GOSSE
C’est la Tour Eiffel qui fait saute mouton sur l’Arc de Triomphe.

On découvre le dessin d’enfant, suivi de la représentation que s’en fait Léo dans sa tête. La Dame de Fer prenant son élan dans le Champ de Mars, courant avec des bras imaginaires avec lesquels elle prend appui sur l’Arc. Hop là !

LE GOSSE
Maman elle dit que j’ai trop d’imagination pour mon âge.

LEO
(avec un sourire) On n’a jamais trop d’imagination… Jamais trop.

Ses propres paroles font réfléchir Léo qui étudie quelques instants son papier. Et de relever la tête avec le sourire apaisé d’un patient guéri.
Il se lève d’un bond, rejoint la sortie en déchirant au passage son papier. Les morceaux retombent comme autant de confettis.

La porte du cabinet s’ouvre, laissant apparaître le médecin et sa patiente.

MEDECIN
(en lui serrant la main) Allez, au revoir, et si vous entendez encore la voix de Mike Brandt dans votre lave linge, revenez me voir… Ou achetez un autre lave-linge.

LA FEMME
Merci docteur !

Elle sort de la salle d’attente non sans avoir attrapé son gamin dessinateur au passage.

LA FEMME
Viens, Bastien…

Le médecin appelle son prochain patient.

MEDECIN
Lequel d’entre vous se prend pour l’Homme Invisible? (en serrant une main dans le vide) Ah, c’est vous, bonjour, entrez.

Le toubib referme la porte derrière lui après qu’on n’ait vu personne entrer.

ext. DANS LA RUE

Léo sort de l’immeuble et part vers de nouvelles aventures, d’un pas libre. 

 

 

Léo se met au vert

EXT. l’entrée du Jardin du Luxembourg
Un jour de soleil. Des promeneurs vont et viennent entre les grilles du parc, et parmi eux Léo, un jeune homme à l’air lunaire. Il s’engage dans l’allée principale bordée de pelouse.

ext. un manège de chevaux

Une musique de carrousel accompagne les chevaux de bois qui tournent, tournent… Des parents avec des poussettes font coucou à leurs enfants sur les canassons. Léo s’approche.

Les chevaux de bois prennent soudain vie. Ils se débinent du manège les uns après les autre en emmenant sur leur dos leurs petits cavaliers. Hurlements de panique des parents ! Les chevaux galopent dans l’allée principale jusqu’à sortir du parc.

ext. UN SENS GIRATOIRE

Les chevaux de bois vivants surgissent dans le rond point. Les bagnoles engagées au même moment pilent à mort pour les éviter et se carambolent. Les chevaux font plusieurs tours de rond point. Tandis que des conducteurs accidentés descendus de voiture s’invectivent, d’autres regardent le manège, ébahis. Un concert de klaxons à l’arrière s’estompe au fur et à mesure que monte une musique de carrousel. Et les chevaux tournent, tournent…

ext. LE MANÈGE

Léo se frotte les yeux comme pour se réveiller. Les canassons sont toujours dans le manège. Tout est normal. Il s’éloigne furtivement.

EXT. un grand bassin

Des gens sont installés sur des chaises tout autour du plan d’eau. Léo promène sa carcasse dégingandée jusqu’au bord du bassin. Il tourne la tête vers un vieux monsieur à côté de lui, assis sur une chaise, en train de dessiner le parc. Un gamin qu’on suppose être son petit fils fait flotter un bateau au bord du bassin. L’enfant abandonne son bateau et va voir le grand père.

« Papi ! Je peux avoir une glace? »

Le dessinateur ne répond pas, absorbé par son oeuvre. Le gosse s’impatiente, le tire par le bras.

« Papiiii ! »

L’artiste pousse un soupir, donne encore quelques petits coups de crayon avant de poser son support.

« Bon d’accord, viens avec moi. »

Le grand père s’en va avec l’enfant, en abandonnant son dessin.

Léo se lève pour admirer l’oeuvre qui représente le cadre avec le bassin et des arbres magnifiques en arrière plan. Léo jette des coups d’oeil de voleur autour de lui, prend le dessin et son support et commence à crayonner dessus. Il ajoute un arbre très sommaire comme ceux que font les enfants.

Un arbre atypique jaillit au milieu du parc. On dirait du mauvais travail de décorateur de cinéma, du carton pâte grossier. Les promeneurs se pressent vers cette incongruité végétale sortie soudainement de terre. Léo examine le crayon magique, perplexe. Il gomme alors ses dégâts. L’arbre s’estompe de la réalité, comme effacé par une main divine. Léo repose le calepin et s’éloigne en sifflotant d’un air innocent.

EXT. PELOUSE DU PARC

Séance de frisbee canin. Un homme en short et t shirt lance un frisbee que son petit chien réceptionne en plein vol au prix d’un beau saut. L’homme caresse son chien qui lui ramène le frisbee avant de lancer une nouvelle fois l’objet.

Une mini soucoupe volante se pose un peu plus loin sur l’herbe.

Le chien attrape le frisbee au vol mais délaisse vite celui-ci pour la minuscule soucoupe à côté de lui. Il s’approche de l’appareil, le renifle avant de le mettre dans sa gueule et de le ramener à son maître.

[B]le maître
[/B]
(en prenant la soucoupe de sa gueule) Qu’est-ce que tu m’as ramené?

L’homme examine le petit engin intrigué avant de le balancer comme un frisbee. La soucoupe plane. Le chien, croyant à un jeu, s’élance pour le cueillir au vol. Mais au moment où ses crocs vont la happer, la soucoupe fait une accélération à la vitesse de la lumière. Un éclair monte vers le ciel. Le chien, autant surpris qu’effrayé par ce phénomène, trouve refuge entre les jambes de son maître en couinant.

EXT Un théâtre de marionnettes

C’est un castelet ambulant installé sur l’espace vert. Face à un parterre d’enfants émerveillés, un marionnettiste caché anime un Polichinelle à fils. Léo s’arrête quelques instants devant le spectacle, sourit avec amusement.

Un filin tombe du ciel comme un éclair et se fiche sur son bras droit. Schlak ! Distrait par le spectacle, Léo ne s’aperçoit de rien. Un deuxième filin s’abat sur son autre bras. Schlak ! Notre héros réalise ce qui lui arrive quand il ne se sent plus maître de ses bras. Un marionnettiste invisible les lui lève et les abaisse avec les filins.
Le jeune homme se tortille pour se libérer mais ses jambes, à leur tour, sont frappées par la mystérieuse fibre fulgurante. Nous prenons un peu de hauteur et découvrons une araignée géante juchée sur une grosse branche d’arbre. Léo est prisonnier des filins de l’arachnide qui l’anime comme un pantin. Un coup les jambes, un coup les bras… Léo ouvre une bouche et des yeux d’effroi. Devant lui, à la place des jeunes spectateurs, un public d’araignées gigantesques qui applaudissent de leurs 8 pattes. Un hurlement sort du profond de sa gorge.

Retour sans transition à la réalité. Une araignée pend juste devant ses yeux. Léo l’écarte avec dégoût. Il voit alors que les enfants se sont tous retournés et le regardent bizarrement. Il leur fait un petit coucou de la main, avec un sourire gêné, avant de s’éclipser…

EXT. UN BANC

Léo s’arrête sur celui-ci et sort un livre de sa poche. Il l’ouvre, mais son attention est vite détournée par le défilé des joggeurs. Deux coureurs passent, fringants. Un troisième surgit peu après mais est victime d’une déchirure. Le pauvre se met à clopiner en grimaçant de douleur avant de s’asseoir par terre en se tenant la jambe.

Léo se lève et s’approche de lui.

LEO
Vous voulez que j’appelle les secours?

Il prend son « Aie! » pour un consentement et prend son portable.

LEO
Allo le Samu?…

Ellipse. Il se rassoit sur son banc et entame sa lecture. Il lève la tête quand surgissent deux brancardiers atypiques, en basket et courant avec une civière. L’un des brancardiers, le visage un peu rouge, sort un chronomètre de sa poche de blouse.

BRANCARDIER
2mn 33, 5 dixième, pas mal

Le brancardier sort une bouteille d’eau, s’asperge le visage avec, avant de la tendre à son collègue qui en fait de même. Tous deux font s’allonger le blessé sur la civière. Rien que de très normal jusqu’à ce qu’ils posent un genou par terre en position de startin block. Le blessé allongé tire un coup de revolver en l’air sonnant le départ des brancardiers… au sprint !

Léo se replonge dans son livre. Sa concentration se trouve compromise une nouvelle fois à l’arrivée d’un homme habillé en mousquetaire, tout en panache. Le Mousquetaire tire un pic à papier de son fourreau pour ramasser un détritus par terre et le mettre dans une poubelle.

Une bourrasque fait voltiger un papier. Le fantassin se lance à sa poursuite et se retrouve face à un autre Mousquetaire. Le papier atterrit entre les deux hommes. Ces derniers se jaugent brièvement puis se mettent en position d’escrime. Chacun bondit et plante son instrument dans le même papelard. Les Mousquetaires se départagent le déchet dans un combat au pic à papier. Ca fouraille sec jusqu’au coup de sifflet d’un policier municipal qui surgit dans la seconde. Les duellistes repartent fissa de leur côté en piquant ici et là des papiers qui traînent. Regard sévère du flic.

(à suivre)

Léo se fait la malle (2)

7. INT. UNE SALLE DE SPECTACLE

Léo pousse la porte. Devant lui, au bout d’une immense allée, une scène gigantesque occupée par un énorme lapin blanc coiffé d’un chapeau haut de forme. Le lapin, en pleine réprésentation, tire de son couvre-chef un homme gigotant qu’il tient pendu par les jambes. Applaudissents. Il le replonge ensuite dans son chapeau qu’il montre une nouvelle fois au public. L’intérieur est vide. Nouveaux applaudissements. Le lapin magicien remet le chapeau sur sa tête et désigne la malle au milieu de la scène.

LAPIN

Et maintenant, ladies et gentlemens, la malle magique ! Qui est volontaire pour disparaître à l’intérieur? (pointant la patte vers Léo) Monsieur !

Tout le monde dans les gradins se retourne vers lui. Léo s’aperçoit alors que les spectateurs ont tous des têtes de lapins. Notre héros pivote sur ses talons, sort par où il est entré. Derrière la porte ce n’est plus un salon mais un escalier dont il gravit les marches jusqu’à se trouver soudainement la tête sous l’eau.

Les lois de la physique semblent tout à fait particulières ici car le sommet de l’escalier est immergé sous un sorte de lac mais pas le bas. L’eau tient inexplicablement en suspension. Des poissons passent tranquillement. Léo hésite à poursuivre l’ascension en apnée lorsqu’un crochet descend jusqu’à lui et agrippe son pull. Il est ferré par un pêcheur. Il ne peut se défaire de la prise et, malgré ses efforts pour se débattre, est entraîné à la surface.

8. EXT. SALLE DE BAIN

Léo émerge d’une baignoire géante, accroché au bout d’une canne à pêche tenue par un géant barbu en chemise de bûcheron. Celui-ci défait sa prise hurlant d’effroi, pour la poser à côté de la baignoire où frétillent au sol des poissons à tête d’hommes. Le géant éclate d’un rire gargantuesque avant de rétrécir soudainement et revenir à une taille normale en même temps que la baignoire et tous les meubles de la salle de bain. Son apparence se transforme pour devenir celle d’un homme barbu d’âge vénérable, habillé comme un mage avec une longue toge et un  chapeau pointu.

LÉO (blotti dans un recoin de la salle de bain)

Qui êtes vous?

MAGE

Je suis Azimut, le maître des lieux et le plus grand des magiciens.

LÉO (admiratif)

Chapeau le coup du géant !

AZIMUT

Merci. Mais je ne fais pas que me transformer, je transforme aussi les autres.

LÉO (inquiet)

Ah bon? En quoi?

AZIMUT

J’ai le catalogue si tu veux.

Le mage fait apparaître dans ses mains le catalogue, genre 3 Suisses, qu’il apporte à sa victime. Léo reprend un peu confiance et le feuillette en livrant ses impressions au fil des pages.

LÉO

Ah ouais, pas mal… (grimaçant) Beeuh, c’est quoi ça?

AZIMUT

C’est un griffon… En fin de catalogue se trouvent les dernières nouveautés (sur un ton de commercial) Si je peux me permettre, la métamophose en service 6 assiettes en arcopal est très tendance en ce moment.

LÉO

Est-ce que vous faites…?

Sa demande doit être un peu génante car il s’approche du mage pour le lui dire dans l’oreille.

AZIMUT (en secouant négativement la tête)

Ah non, ça je fais pas.

LÉO

Peuh, et ça se dit le plus grand magicien?

Piqué au vif, Azimut brandit sa baguette vers lui en incantant une formule. Problème, rien ne se passe. Soupir d’agacement du sorcier.

AZIMUT

Elle a dû prendre l’humidité… (en la balançant)Ah, ces baguettes chinoises, ça ne vaut rien!

Azimut prononce une nouvelle formule et se change en une  tortue géante plus haute qu’un homme. Léo tente de sortir de la salle de bain seulement dès qu’il approche de la porte, celle-ci recule. Au début calme, il perd très vite patience. Malgré tous ses efforts, la lourde se dérobe à lui. Le supplice de Tantale en quelque sorte. Un long couloir s’est creusé, en perpétuelle expansion. Il s’est élargi de lui même pour laisser s’engouffrer la tortue Azimut.

TORTUE Azimut (d’une voix molle)

Tu n’échapperas pas à la Tortue.  Courir est vain, elle arrivera à toi. Doit-elle mettre un siècle! Elle a touuut son temps. Alors elle te digérera comme une feuille de salade… leeeentement, très leeentement.

Léo se laisse tomber par-terre. Il regarde la tortue se trainer laborieusement vers lui. On peut lire du renoncement dans ses yeux quand soudain une idée l’illumine. Il sort son iPhone sur lequel il lance une application « Montagnes Russes ». TGP pour nous montrer le rendu graphique du jeu qui fait vivre les Montagnes comme si on y était, avec les hauts et les bas incessants. Ca va très vite, beaucoup trop vite pour la Tortue devant qui Léo braque son téléphone.

TORTUE

Aaah, cette vitesse ! C’est insupportable !

Elle détourne sa vieille tête plissée mais quelle quoi sa direction, Léo lui colle les montagnes russes sous les yeux.

LÉO

C’est ça le vrai monde, vieille tortue ! Dans le vrai monde, tout va à ce rythme !

TORTUE

Aaah, tu me tues! Enlève ça de ma vue!

La Tortue veut se protège en fermant les yeux mais Léo impitoyable, lui ouvre de force un oeil. Des spirales envahissent sa rétine comme un oeil hypnotisé.

TORTUE

Nooon! Pitiééé ! Moins viteeeeee !

La créature s’effondre sur ses pattes dans un dernier soupir. Son corps se volatilise. A sa place apparaît Azimut sous sa forme humaine. Il a l’air un peu secoué.

AZIMUT

Tu es le premier à vaincre la Tortue! Je m’incline devant ton pouvoir. Demande-moi ce que tu voudras, valeureux guerrier.

LÉO

J’aimerais être renvoyé d’où je viens. Moi et tous mes livres.

AZIMUT

Tes désirs sont des ordres.

Le mage rentre en concentration extrème. Il exécute de grands gestes de sorcier en psalmodiant une formule. Ca ne donne aucun effet. Nouvel essai, toujours aucun résultat.

AZIMUT (soupirant) J’suis vidé !(il sort une clé) Bon, on va s’y prendre autrement. Pointe ça devant toi.

Léo pointe la clé vers la porte laquelle s’avance jusqu’à lui. C’est la porte qui va vers la clé et pas l’inverse. Il la tourne dans la serrure. Derrière la porte, se trouve la salle du point de départ où la malle est toujours posée.

AZIMUT

La malle te raménera chez toi.

Léo se dirige vers le centre de la pièce lorsque le mage le rappelle.

AZIMUT

Hé! Ma clé ! J’ai pas de double !

Il lui redonne docilement, entre dans la caisse, referme le couvercle de l’intérieur. Un « pouf! » se produit qui se matérialise par un soupçon de fumée.

9. INT. APPART DE LEO

La malle, le même « pouf! », la même fumée. Un silence, puis le couvercle s’ouvre. Léo s’extrait de son sarcophage, un peu tourneboulé. L’instant d’après, c’est tout son trésor personnel qui lui est restitué.

Enchaînement avec le moment où notre héros finit de vider tout ce qui se trouvait dans la malle avant d’en refermer le couvercle dans un claquement définitif.

LÉO

Je vais te cadenasser ça et te le foutre à la décharge…

On sonne à la porte. Léo va ouvrir sans s’attendre à trouver une vieille femme au visage austère sur le palier. Ou plutôt si, il s’y attendait, mais pas à cette date. En effet c’est sa propriétaire.

PROPRIETAIRE

Il vous reste une semaine pour payer ce que vous me devez. J’espère pour vous que vous serez en mesure de me payer.

LÉO

Ca risque d’être dur.

PROPRIO

Alors je vous ferai expulser mais auparavant je me serai remboursé avec votre mobilier. Un huissier sera là.

LÉO  (après réflexion)

J’ai justement une belle malle de grande valeur. Je suis prêt à vous la céder. Un début de remboursement en quelque sorte.

PROPRIO

Il faudra plus d’une malle.

LÉO

Mais entrez, je vais vous la montrer ! Vous verrez, elle fera disparaître toutes mes dettes.

PROPRIO

Ca m’étonnerait bien.

La propriétaire se laisse convaincre d’y jeter un oeil. Léo referme la porte derrière elle. Mais n’est-ce pas un sourire machiavélique qui se dessine sur son visage?

FIN

Léo se fait la malle (1)

1. EXT. JOUR. UN VIDE-grenier

Léo baguenaude dans les allées, le pas paresseux, le nez fureteur. Il arrive devant un stand dont le gérant se démarque des autres par son costume doré et pailleté. Il est donc très chichement habillé et ses cheveux en touffe lui donnent des airs d’hurluberlu ou de savant fou.

Sur son stand: des DVD,des livres sur lesquels on peut lire le mot « magie », des jeux de cartes, des accessoires comme des chapeaux haut de forme,des petites cages, quelques costumes… Léo semble surtout intéressé par une grosse malle de la taille d’un homme, exposée au pied de l’étal.

LEO

Combien la malle?

VENDEUR

Il y a le prix dessus

LEO

Oh ! C’est trop cher…

VENDEUR

Ce n’est pas n’importe quelle malle, elle a servi à des magiciens.

LEO

Ah bon? Comme?

VENDEUR

(fièrement) Moi, Magic David.

LEO

Qu’est ce que ça change?

VENDEUR

Eh bien, cette malle vous fera voir l’invisible et vous effacera du visible.

LEO

(en partant)Mais moi je vois que mon porte-monnaie. Au-revoir.

VENDEUR

Je vous le fais à moins de 50%!

Léo s’arrête et se retourne. Cette fois il est disposé à réfléchir.

2. INT. IMMEUBLE

Léo monte les dernières marches d’un étage en traînant sa dernière acquisition. Il semble à la peine. Il croise un type en salopette bleu qui descend  l’escalier.

LE TYPE

C’est bon, j’ai réparé l’ascenseur.

Léo lève les bras dans un soupir dégouté. Inconciemment, il lâche la malle qui redescend aussi sec tout l’étage. Plus qu’à réattaquer l’escalier… ou à reprendre l’ascenseur.

3. INT. APPARTEMENT DE LEO. SALON.

Des piles de bouquins, romans, encyclopédies, et de classeurs entassés au pied d’une étagère elle même regorgeant d’ouvrages.

Léo prend une grosse poignée de livres qu’il déverse à l’intérieur de la malle posée au milieu du salon, près d’un sofa et d’une table basse. Scène suivante lorsque la caisse est remplie au trois quart de bouquins et de cassettes VHS. Léo reste quelques secondes à contempler son trésor. Une voix résonne dans sa tête, très aigue et désagréable, celle de sa propriétaire.

PROPRIETAIRE

(off) Vous avez un mois pour régler ce que vous me devez !Passé ce délai, c’est dehors !

Il referme le couvercle. Une cassette traîne encore par terre. Il la ramasse, rouvre la malle pour la ranger dedans. Or voilà quela caisse est vide ! Plus un livre, plus un cahier, rien, vide ! Il n’est pas difficile d’imaginer le regard estomaqué de Léo qui palpe le fond de la malle, comme pour vérifier qu’il ne rêve pas. Mais non, tout a disparu corps et âme. Il soulève la malle, regarde en dessous et par terre, en vain. Plus aucune trace de ses affaires. Il se frotte énergiquement les yeux, inspecte à nouveau, toujours rien. Il repose la malle, se gratte la tête. Les paroles du brocanteur lui reviennent alors à l’esprit.

BROCANTEUR

(off) Cette malle vous fera voir l’invisible et vous effacera du visible.

Le jeune homme reste les yeux rivés sur cette boîte maléfique. En fond sonore, les notes à la fois douces et inquiétantes d’une boîte à musique.

Il met un pied dans la malle puis l’autre, se recroqueville pour pouvoir se couler intégralement dedans. Il referme le couvercle de l’intérieur. Un claquement suivi d’un « Pouf ! »

3. EXT. UNE ETRANGE SALLE CARREE

Les murs sont en pierre. Une porte à chaque pan. Au milieu de la pièce se trouve une malle, la même que celle de Léo. Le couvercle s’ouvre, et qui voit-on sortir? Et oui, Léo himself! Notre héros tourne la tête de tous les côtés, le regard ahuri. Le décor a bien changé, ce n’est plus son appart. Quel est cet endroit?

Il se promène quelques instants dans la pièce, s’approche d’une porte, s’apprête à l’ouvrir puis finalement se ravise. Il marche vers une autre porte à l’opposé. Il l’entrebaille d’abord, méfiant, avant de l’ouvrir entiérement. Il franchit l’encadrement sans s’attendre à ne trouver que le néant derrière.

4. EXT. UNE PORTE DANS L’espace

Léo se raccroche in extremis à la poignée. Sa posture est des plus inconfortable, ses jambes pendent au dessus du vide spatial. Derrière lui c’est l’immensité glacé de l’univers. La porte apparaît suspendue au milieu de rien, comme le passage dans un autre monde. Léo parvient, par un balancement des jambes, à revenir à l’intérieur, sur la terre ferme.

Le voilà de nouveau en sécurité. Il reste une interrogation et pas des moindre. Dans quel monde peut-il bien se trouver?

Il entrouvre une deuxième porte, espérant trouver des éléments de réponse de l’autre côté.

5. int. UN GRAND SALON

La salle apparaît totalement jusqu’à ce que Léo lève la tête. Tous les meubles ( canapé, placards, table…) tiennent au plafond. Une gravité différente semble s’opérer ici. Puis c’est comme si une main invisible retournait la pièce, le haut devenant bas. Léo suit la rotation et atterrit sur le fauteuil.

Il reste assis, un peu étourdi. Il balaie du regard le salon avant de poser ses yeux sur un journal laissé sur une table basse. Il ouvre le canard: l’écriture est inversée. Un miroir l’aiderait à la déchiffrer. Il en repère un avec un cadre en bois et posé sur un pied, dans un coin du salon.

Léo dirige le journal vers le miroir. C’est alors que son reflet passe une main par la glace, le happe et l’entraîne de l’autre côté. Le reflet passe dans l’autre monde laissant notre héros prisonnier à sa place. Léo tambourine sur la glace en criant mais aucun son ne sort. Son reflet s’installe tranquillement sur le fauteuil et ouvre le journal.

Le prisonnier prend alors le miroir à deux mains et le secoue d’arrière en avant. Le miroir tangue tant et si  bien qu’il finit par tomber. Un bris de glace. Le reflet de Léo subit le choc à distance, et une profonde ébréchure sanglante le traverse des pieds jusqu’à la tête. Il se lève et marche en titubant dans le salon.

Léo s’extrait péniblement du miroir. Voyant l’agonie de son double, il abrège ses souffrances en finissant de briser la glace d’un coup sec. Le reflet vole en mille éclats.

Comment sortir d’ici? Après inspection notre ami ne relève qu’une seule issue, une porte qui n’est pas dans le bon sens mais se trouve tout en haut du mur. Pas facile à atteindre ! Léo se laisse tomber sur le fauteuil, désemparé.

Il prend connaissance d’un document en rouleau posé sur la table basse. Un poster représentant un bâteau pirate voguant sur les flots. Par désoeuvrement, il punaise la photo au mur, et se prend à la contempler avec la satisfaction de quelqu’un qui a refait sa déco.

C’est alors que le poster s’anime et la mer en jaillit comme l’eau d’un barrage brisé, propulsant le bateau dans la pièce. Léo tente de colmater avec son corps mais il se ramasse une douche monumentale. Il trouve son salut en retirant les punaises: le poster tombe par terre en se réenroulant. La cataracte est stoppée aussi nette.

Le salon trempe à présent dans un centimètre d’eau. Le bâteau pirate de la taille d’un modèle Playmobyl flotte sur ce lac improvisé. Léo pousse un « Ail ! ». Les pirates ont lancé un grappin sur lui, dans l’intention évidente de l’aborder. Il retire l’ancre de son molet (c’est un tout petit grappin à l’échelle du navire), l’examine avant de lever la tête vers la porte perchée.  Il tire alors sur le mini grappin comme il déroulerait un fil d’aspirateur, le fait tournoyer au dessus de sa tête pour le lancer ensuite jusqu’à la porte. Le grappin s’accroche à la poignée. Léo teste la solidité du fil avant d’entreprendre son ascension. Il parvient en haut.

(à suivre)

Léo décroche la lune, mini roman

Ceci est une adaptation en mini roman d’un  scénario de ma série Léo. J’aimerais la proposer à J’aime Lire, le magazine que je lisais quand j’étais petit. Le nombre de signes maximum autorisé est de 15000, je dépasse de 200, je vais donc devoir opérer une légère coupe. Ça ne va pas être simple de tailler, mais il n’y a pas le choix ou mon manuscrit risque de passer directement à la trappe. Je ne sais pas si mon histoire peut convenir à J’aime Lire, je verrai bien. J’espère une réponse d’ici 6 mois. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Vos avis sont précieux.


UNE VOIX DANS LE CIEL

 

            Léo errait dans la cité assoupie. Lui n’avait pas envie de dormir. Enfoncé dans un manteau noir, les mains dans les poches, le petit homme déambulait au milieu des immeubles historiques de Vieille Ville. Son escapade nocturne l’avait amené jusqu’aux vestiges du Château des Ducs et il songeait à rentrer, quand une voix l’interpella.

            « Psst ! Psst ! »

            Il se figea, regarda autour de lui. Personne.

            « Lève la tête ! »

            C’était une voix féminine, très douce et mélodieuse. Léo leva les yeux vers l’immeuble sur sa gauche, pensant que quelqu’un le hélait depuis une fenêtre. Toujours personne.

            « Plus haut ! Beaucoup plus haut ! »

            Il se dévissa la tête à regarder assez haut pour finir par apercevoir la lune. Une pleine lune au milieu d’un ciel dégagé. A la place des taches sombres habituelles, se trouvait un visage humain qui le regardait.

            « Ca y est, tu me vois maintenant ? »

            Léo se tenait bouche bée. Il plaqua une main sur ses yeux, la retira. L’astre était toujours là à le fixer.

            « C’est… c’est à moi que vous parlez ? bredouilla-t-il.

            -Oui, naturellement. A qui veux-tu que ce soit d’autre ?

            -Mais nous sommes des milliards ici !

            -Je sais, seulement je t’ai remarqué. Tu passes de longues minutes chaque soir sur ton balcon à me contempler.

            – Je ne suis tout de même pas le seul!

            – Non, mais vous vous faites de plus en plus rares. Tes semblables préfèrent s’hypnotiser devant des écrans, plutôt que de passer du temps à rêver devant moi. »

            Son jeune interlocuteur lui adressa avec une pointe de reproche.

            -Vous ne seriez pas un peu narcissique sur les bords ?

            – Sûrement, le soleil me l’a déjà dit… Mais il peut parler celui là ! Il s’est pris pour Louis XIV !»

            Léo et sa nouvelle amie décidèrent de poursuivre la discussion dans un endroit plus discret. Rendez-vous fût pris sur son balcon.

 

           ETLA LUNEDESCEND

            Léo n’en revient pas. La lune lui a adressé la parole. Va-t-elle lui révéler ses secrets ?

 

 

            Léo tira la porte-fenêtre qui donnait sur sa terrasse, au cinquième et dernier étage d’une tour. Il chercha la lune, la trouva à la même place dans le ciel.

            « Petit homme, à quoi rêves-tu quand tu me regardes ? lui demanda celle-ci. »

            Le jeune rêveur s’accouda à la rambarde et lui confessa dans un soupir.

            « Je rêve de pouvoir un jour marcher sur vous et faire un golf comme les premiers astronautes ! »

            La lune parût scandalisée.

            « Est-ce que tu parles de ces moustiques qui m’ont confondu avec un terrain de jeux et m’ont planté leur drapeau comme si j’étais à eux ?

            – Vous n’appartenez à personne. Vous êtes à tout le monde.»

            Léo lui retourna la question :

            « Et vous, à quoi rêvez-vous ?

            – Je rêve de voir tout ça d’en bas ! La frénésie humaine, le bruit, la vie qui manque tant autour de moi !

            -Oh, vous êtes à la meilleure des places, croyez moi ! »

            Un point de vue que ne semblait pas partager l’astre de Pierrot.

            « Décroche-moi, Léo ! » lui conjura-t-elle.

            -Quoi ! Enfin, vous me demandez la lune, là ! »

            Mais parce qu’il aimait les défis impossibles, notre héros monta sur le toit de l’immeuble. Il croisa un chat noir qui lui miaula un bonsoir, s’arrêta juste en dessous de la lune. Il sauta à maintes reprises sans parvenir à l’effleurer.

            « Qu’est ce que je vous disais ? Vous êtes trop haute. Il me faut une fusée !

            -Monte sur une cheminée. »

            Léo s’exécuta. Juché sur la pointe des pieds, il allongea au maximum le bras et les doigts, sans plus de succès. Il réfléchit alors quelques secondes en se caressant le menton.

            « J’ai peut être une idée. »

            Il retourna à l’intérieur de la tour, réapparut quelques minutes plus tard avec un débouche évier au moyen duquel il ventousa la lune. Il tira tant et si bien qu’il parvint à l’extraire de la voûte céleste dans un « Plop ! » d’air. Ce fût plus délicat de lui ôter la ventouse du visage. Il prit appui sur la sphère avec ses deux jambes et tira très fort. Il partit en arrière, en même temps que le caoutchouc cédait et atterrit les quatre fers en l’air.

            « Est-ce une façon de traiter Sa Majesté la lune ? protesta cette dernière. Tu m’as fait mal !

            – Vous vouliez que je vous descende ! lui rétorqua son Pierrot en massant son derrière. »

            Il contempla le satellite dont le diamètre ne dépassait pas un mètre.

            « C’est curieux, je vous voyais plus grosse que ça !

            – C’est vrai que j’ai perdu du poids. A courir autour dela Terre12 fois par an depuis 4 milliards d’années, on fond énormément. »

            Léo entendait traiter la lune comme son hôte.

            « Je vais vous montrer mon appartement. »

            Il la roula délicatement jusqu’à l’escalier. Hélas, arriva ce qui devait arriver au moment de descendre. Sa Majesté lui échappa tout à coup des mains et se mit à dévaler les marches, rebondissant comme une balle. Tout en bas, un ivrogne avait entrepris l’ascension du premier étage. Ce dernier eut juste le temps de se garer pour ne pas être happé par la boule folle qui termina sa course contre la porte cochère de l’immeuble.

            « La lune dans l’escalier ? Il faut vraiment que j’arrête de boire, grommela l’alcoolique avant de reprendre la montée des marches. »

 

            LE VOLEUR DE LUNE

            Léo a pu décrocher la lune. Pour celle-ci,  la Terre n’a plus le même visage, vue d’en bas.

 

            Quand il eût poussé la lune jusqu’à son canapé, Léo se dit qu’il pouvait enfin souffler.

            « Ouf, ça n’a pas été sans mal, reconnut-il en s’épongeant le front.

            -A qui le dis-tu ? grommela la lune, marquée par sa chute. »

            Il se dirigea vers son mini bar, proposa un rafraîchissement à son invitée

            « Je ne bois ni ne mange. N’oublie pas que je suis un astre.

            -Ah ? C’est dommage… Je parie que vous n’écoutez pas de musique non plus.

            -Oh si, j’écoute le chant des étoiles. Il me parvient du plus profond de la galaxie, mais j’ai l’ouie fine. C’est un bonheur permanent ! »

            Léo fouilla dans ses disques.

            « Je n’ai pas ça, mais j’ai un tas d’autres trucs pas mal aussi ! Vous avez inspiré nos plus grands chanteurs, vous savez ? »

             Il fît jouer une chanson sur sa chaîne, intitulée « Fly Me to the moon »

            « Ca  swingue plus que les étoiles ! sourit la lune, conquise.

            Léo effectua quelques pas de danse maladroits.

            « Ah, si j’avais des jambes ! soupira son amie. Dans le ciel je suis si légère, si aérienne, tandis qu’ici je me sens tellement pesante ! »

            On sonna à la porte. Léo ouvrit à deux hommes en uniforme.

            « Police, nous enquêtons sur un vol. On a dérobé la lune.

            -C’est pas vrai ! s’exclama notre héros, mimant l’étonnement.

            -Si, pourtant, confirma un agent. Un astronome amateur l’observait au télescope quand il l’a vu se faire aspirer.

            -Par un trou noir ?

            – Non, par un débouche évier.

            -Il a fait une description du voleur ? »

            Un policier lui présenta une feuille où figurait un portrait robot. Léo s’identifia sans mal.

            « Vous le reconnaissez ? demanda un agent.

            -Non, jamais vu ce gars là.»

            Son collègue regarda à son tour le dessin et dévisagea Léo avec insistance. Comprenant qu’il était en train de faire le rapprochement, le voleur referma la porte et tira le verrou. Les policiers tambourinèrent.

            « Au nom de la loi, ouvrez ! »

            Léo asséna un regard de reproche à son joyau d’argent.

            « Bravo, ils croient que je vous ai enlevée ! A cause de vous, je suis dans un sacré pétrin!

            Les coups redoublés auraient bientôt raison de la porte. Il vint alors une idée à notre ami.

            « Dame Lune, mettez vous en croissant !

            Cette dernière objecta que c’était impossible pour la simple raison qu’elle devait s’en tenir au calendrier. Cette nuit n’était pas une nuit de croissant.

            « Je vous en prie ! implora Léo. Dans quelques instants, ils auront réussi à entrer pour me jeter en prison ! »

            Devant ce cas de conscience, la lune consentit finalement à faire des efforts. Elle rentra en concentration jusqu’à ne plus dessiner qu’un sourire. Léo souleva le croissant, le transporta jusqu’au balcon. La porte céda à cet instant aux coups de boutoir des assaillants.

« Voleur! Tu ne nous échapperas pas ! hurlèrent-ils.

Le jeune homme escalada la rambarde du balcon, enfourcha sa banane de lumière en se cramponnant avant de s’élancer dans le vide. Son embarcation chuta avec douceur, comme une feuille. Les policiers, du haut du balcon, regardèrent s’échapper leur proie.

 

LA NUITDEVANTNOUS

Accusé d’avoir volé la lune, Léo est parvenu à échapper aux policiers.

 

            Léo longeait les quais dela Sarthe, tenant dans les bras sa lune échancrée. De temps à autre, il se retournait pour s’assurer que personne ne le suivait.

            « Ou allons-nous maintenant ? demanda le croissant.

-Je n’en sais rien. Je suis un fugitif à présent.

            Je suis désolée, je sais que tout ça est arrivé par ma faute. Remet moi ou tu m’as trouvé, et tu seras tranquille. »

            Mais Léo ne l’entendait pas de cette oreille.

           « Pas tout de suite. Vous rêviez de voir tout ça d’en bas. Vous n’avez encore rien vu ! Moi non plus… Le Taj Mahal, les Pyramides de Gizeh,la Grande Muraille que vous apercevez de là haut, dit-on.

            Oh, avec peine maintenant. Ma vue baisse avec l’âge.

            -On fera du stop, on montera en clandestins à bord des bateaux ! La grande aventure ! »

            Léo nota avec réalisme que la nuit ne suffirait pas pour un programme aussi chargé.

« Léo, quand se lèvera le jour, je disparaîtrai !

            -Ce n’est pas grave, vous réapparaîtrez la nuit prochaine ! Je n’aurai qu’à lever la tête.

-Mais il te sera plus difficile de me décrocher. Les hommes, dès qu’ils me verront revenue, s’empresseront de me sceller au ciel afin que  plus jamais on ne puisse me voler ! Je leur appartiens !

Un problème n’en restait jamais un longtemps avec Léo. »

            « Alors, s’il le faut, j’engagerai des perceurs de coffre. »

            Il ignorait si les trois types qui marchaient vers lui en faisaient leur spécialité. Une chose était sûre, à leur look d’affreux jojo, ils ne devaient pas œuvrer pour la charité. Léo tenta de dissimuler la lune sous sa veste. Hélas, celle-ci dépassait de part et d’autre de son vêtement.

Les loubards se déployèrent devant lui. Il tenta d’esquiver le mur sur la gauche, mais se trouva bientôt encerclé.

            « Qu’est-ce que tu caches là dessous ? lui demanda le chef, un véritable épouvantail à la tête rasée et aux dents en or. »

            Sa victime ne soufflant mot, il alla chercher lui même la réponse en écartant les pans de sa veste.

            « Regardez ça ! s’exclama-t-il. Ce type a chapardé la lune !

            -J’allais la rendre, mentit Léo.

            Le tondu ricana, découvrant une rangée de dents aussi luisantes que son crâne.

             «Il va la rendre, répéta-t-il, prenant à témoin ses complices.

-Il va nous la rendre! rectifia un autre loulou avec un sourire bête.

-On peut se faire des millions en la revendant ! rêva le troisième de la bande.

            Léo  opéra alors une trouée dans le cercle.

            « Rattrapez-le ! ordonna le meneur qui voyait s’enfuir son butin.

            Léo courait aussi vite que possible sur le quai désert, mais sentait déjà ses poursuivants gagner du terrain.

            « Vous flottez ? demanda-t-il à son amie.

            -Comment veux-tu que je le sache ? »

           Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir. Le petit homme escalada le parapet de la berge. Trois mètres plus bas, la rivière se parait des couleurs blafardes des réverbères. Il tourna la tête vers ses détrousseurs qui l’avaient presque rattrapés. Les dés étaient jetés. Son plongeon résonna dans le silence du quai.

            « Ah non alors, quel égoïste ! protesta un voyou en arrivant devant la rambarde.»

Scrutant les eaux, les trois gredins virent des remous, puis une lueur remonta vers la surface. La lune émergea.  Réapparu quelques mètres plus loin, Léo nagea jusqu’à elle et se hissa sur sa corne d’argent.

« Hé ! Ramène-toi un peu ici ! »

Léo rama avec ses bras pour s’éloigner de la berge. Il n’entendit bientôt plus les vociférations de ces sinistres oiseaux de nuit.

 

                    JE T’OFFRELA LUNE

            La lune a suscité la convoitise d’une bande de voyous. Pour leur échapper, Léo a été contraint de plonger dans une rivière.

 

            Agrippé à la corne lunaire comme au bastingage d’un navire, Léo, grelottant, se remettait de ses émotions.

            « Tu as froid? lui demanda son frêle esquif.

            -Oui, mais vous  me réchauffez… Mieux que mille couvertures ! »

             Ils dérivaient tout les deux dans le silence de la ville endormie.

            « Le ciel est vide sans vous, proclama le jeune marin en levant les yeux. Des milliers d’étoiles pourraient briller, il semblerait tout aussi vide.

-Dis-toi que c’est comme ces nuits nuageuses où je reste invisible.

– Ce n’est pas pareil… Je sais que vous êtes là, derrière le rideau. Un bon coup de vent, et vous êtes démasquée … Vous vous dévoilez intégralement ou n’offrez qu’une parcelle … jouant à cache à cache avec nous. »

La lune lui sourit.

           « Ils peuvent toujours me chercher à l’heure qu’il est. »

            Léo imagina le désarroi des humains, privés de leur lanterne ancestrale. Cette veilleuse qui avait assisté à leurs premiers pas, et tous leurs faux pas.

           «  Oh, crois-moi, lui avoua l’astre. Il y a bien des fois où j’ai préféré fermé les yeux. »

           Des sanglots attirèrent l’attention du navigateur. Une jeune femme se tenait assise sur un escalier qui descendait à la rivière. Léo mit cap vers la berge, accosta au bas des marches et monta à sa rencontre. La femme était prostrée, ses longs cheveux blonds cachant son visage qu’elle gardait enfouie contre ses genoux repliés contre son corps.

            « Ca ne va pas ? »

            « Fichez moi la paix, reçut-il comme réponse. »

            Léo se sentit penaud.

            – J’étais en train de naviguer quand j’ai entendu pleurer. Mais excusez-moi de vous avoir importuné. »

            Il redescendait l’escalier quand sa voix raisonna à nouveau, gorgée de chagrin.

            « Pardonnez-moi… Je suis désolée. Je suis à bout… »

            Léo se retourna, la regarda quelques instants en silence. Elle avait un visage rond, très joli, ses cheveux étaient roux comme un renard.  Elle ôta ses lunettes, essuya les larmes d’un revers de la main. Elle ébaucha un sourire tandis que son chagrin se poursuivait en coulisses, au fond de son coeur.

            « Ou avez-vous garée votre péniche ? demanda-t-elle à Léo.

            -Ma péniche ?… Ah oui, ma péniche ! »

            Il dévala les marches, sortit la lune de l’eau avant de l’égoutter.

            « Ca n’effacera pas votre peine, mais j’ai pensé que ça pouvait vous faire plaisir, dit-il à la jeune femme en lui tendant le croissant.

            -La lune ! s’exclama-t-elle. Ben vous alors ! Vous êtes le premier qui me l’apporte sans me l’avoir jamais promise ! »

            Claire avait trouvé son Pierrot. Il ne lui prêta pas sa plume mais une oreille si réconfortante à tous ses malheurs. Et tandis qu’ils se parlaient tous les deux,la Lunese dit que le temps serait bientôt venu pour elle de regagner le ciel, avant le retour du soleil.