For Mathilda (7)

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Gomez
La Nissan rouge, à dix mètres derrière nous. Ça fait 10 minutes qu’elle est derrière nous.

Mario
Et alors? Y a cent bagnoles derrière nous !

Gomez lève le pied de l’accélérateur. Des voitures le dépassent sur la voie express.

60. Int. Jour. Voiture de Rachel

Rachel
Il ralentit… Je reste derrière lui ?

Mathilda
Non, double-le, ça va faire suspect.

Les deux véhicules se trouvent brièvement à la même hauteur. Les yeux de Mathilda et de Mario se rencontrent en un éclair. Il ne paraît pas la reconnaître derrière ses lunettes noires.

Rachel
Merde, un péage… Jusqu’où on va le suivre? Jusqu’à Philadelphie ?

Mathilda
(en se fouillant) J’ai de la monnaie.

60. Ext. Soir. Péage à la sortie du Queen Midtown Tunnel
Gomez s’acquitte du droit de passage. Six voies de circulation dans les deux sens et autant de files d’automobiles à l’arrêt. A plus de 21h, le gros rush est néanmoins passé. Rachel occupe une file voisine, sur la droite. Elle risque un coup d’œil vers la Chrysler.
Gomez dédie un regard glaçant à la conductrice qui détourne précipitamment les yeux.

61. Ext. Soir.
La Chrysler emprunte une sortie, juste après le péage. La Nissan suit ses traces à une distance raisonnable. La 2×3 voies laisse place à une large avenue dans Brooklyn cernée d’immeubles de quelques étages, la plupart en brique rouge, d’autres dont la façade fatiguée accuse le temps, mélangés à des commerces de proximité, des restaurants et des garages.

62. Int. Voiture de Rachel

Rachel (crispée)
Il m’a regardé tout à l’heure au péage, je suis sûr qu’il m’a grillée.

Mathilda
Je te dis que non, on les suit de loin.

63. Ext. Soir.
La Chrysler passe devant une zone de construction. Derrière un mur grisâtre, une grue toise son monde. A quelque cinquante mètres du chantier, un cinéma « Brooklyn West Cinema ».
La berline s’engouffre dans une ruelle à sens unique, juste derrière le bâtiment.

64. Int. Voiture de Rachel

Rachel (les yeux vers la ruelle)
Qu’est-ce qu’il va foutre par là ? (excédée) Mathilda, il est en train de nous balader !

Mathilda
Arrête-toi…

Son coup de frein impromptu lui vaut des coups de klaxon hostiles. Elle tend un doigt bien haut au mécontent.
L’oiseau, qui n’a pas vocation à s’attarder, disparaît à droite au fond de la ruelle.

Mathilda
On va le reprendre un peu plus loin. A la prochaine à gauche.

Rachel
(repasse la première, dans un soupir) T’as intérêt à ce qu’il y ait le gros lot au bout ! Je veux un super héros ou un chippendale !

65. Ext. Voiture de Rachel
Elle poursuit sur une centaine de mètres, retrouve une deuxième ruelle sur sa gauche et s’engage dedans. Une allée à l’ombre de deux immeubles de brique rouge flanqués de leurs escaliers de secours. Il y a des tags sur les façades.
La Nissan remonte la ruelle. La perspective est fermée par un paysage de béton derrière la grosse avenue au bout.
Une bagnole surgit de l’autre extrémité de la ruelle. La Chrysler se présente de face à la voiture de filature.

Rachel(en ralentissant)
Merde !

La berline avance doucement dans sa direction. Les regards des deux conducteurs s’interceptent. Rachel se fige, passive comme un piquet de métal qui attendrait la foudre.

Mathilda
Recule, Rachel !

La Chrysler accélère soudainement et vient à se coller à sa proie. Pare-choc contre pare-choc.

Mathilda
Mais recule !

Dans la panique, Rachel se trompe dans sa marche arrière. Grincement d’une boîte de vitesse qu’on martyrise. Mario descend de la menaçante voiture, une arme à la main et envoie une rafale dans le capot et dans les pneus de la Nissan, la stoppant en plein élan de marche arrière. Une fumée noire s’échappe du moteur.

Int. Voiture de Rachel
Rachel hurle de terreur. Comme le tireur s’approche, Mathilda verrouille les portières.
La jeune fille serre la main de son amie ; elle tient dans l’autre une bombe antigel. On peut s’attendre à ce que l’agresseur veuille fracturer la vitre passagère à coups de crosse. Or, il sort d’une poche une sorte de boitier électronique qu’il dirige vers la voiture… bip bip ! Déverrouillage de la portière.
Mathilda ne peut l’empêcher d’ouvrir la portière et s’en remet à sa bombe antigel pour l’aveugler. D’une manchette, Mario la désarme, la repousse sur le siège en la braquant avec son pistolet mitrailleur. Ses lunettes noires ne laissent transparaitre aucune expression dans son regard.
Rachel est en larmes. Son amie, mâchoire serrée, se serre contre elle. Son regard dit tout le mépris que peut lui inspirer Mario à cet instant.

Mathilda
(la voix étranglée par le choc) Tu voulais le gros lot, Rachel…

66. Ext. Nuit tombée. Les docks de Brooklyn. Au bord de l’Hudson
Un large quai bordé d’entrepôts. Des grues portuaires se découpent sur un ciel de nuit bleutée.
Des caristes vont et viennent entre une grosse barge amarrée et l’intérieur d’un hangar. L’architecture du bâtiment très imposante en briques rouges laisse à penser que c’était une ancienne manufacture.
67. Int. Nuit.
Depuis sa voiture garée à bonne distance, Gomez observe l’effervescence de fenwick avec des jumelles. Mario est à côté de lui.

Gomez
(tout en scrutant) Il y a deux gardes armés dehors. Je table sur une dizaine à l’intérieur… Ça va être sportif.

Il tend une photo à son partenaire. Sa lampe torche éclaire le faciès d’un homme aux chevaux blancs au regard solennel.

Gomez
La cible… On coupe à la racine, en faisant gaffe aux épines.

Des borborygmes étouffés attirent notre attention. Et de découvrir Rachel et Mathilda pieds et mains liées, bâillonnées, sur la banquette arrière.

Mario se retourne vers elles. Leur délicate posture semble le mettre mal à l’aise.

Mario
On les laisse pas là !

Gomez
(sourire froid) Si ! j’ai pas envie de m’emmerder avec des stagiaires…

68. Int. Entrepôt.
Les portes d’un utilitaire rempli de caisses se referment. D’autres camionnettes attendent d’être chargées. Des hommes armés surveillent. La fourgonnette sort du hangar.

69. Int. Voiture de Gomez
Une lueur éclaire l’habitacle.

Gomez
Cheval de Troie en approche… (dégaine de son holster un AMT Hardballer, un pistolet arme semi automatique) Go !

68. Ext. Quai. Camionnette
Deux individus dans le champ des phares. Coup de frein. Gomez ouvre la cabine du chauffeur. Ce dernier descend docilement, très attaché sa santé. Gomez s’assure de son silence d’un coup de crosse sur la tête avant de s’installer au volant. Mario monte côté passager. L’opération n’a pas pris vingt secondes.

69. Ext. Nuit. Entrepôt
Le véhicule intercepté rencontre un barrage à l’entrée. Un garde armé joue les douaniers.

Gomez
On a un peu de retard. On vient pour le chargement.

Garde
On a le compte des véhicules.

Gomez
On vient pourtant bien pour ça. Demandez à votre patron.

Garde (laconique)
Faites-voir le bon de chargement.

Gomez fait mine de chercher le papier. Il tient dans sa main droite un pistolet, canon pointé vers la portière. Au même instant, un deuxième garde s’approche du côté passager. Echange de regards avec Mario dont la main gauche se referme doucement sur son flingue calé entre les deux sièges.
Le chauffeur lui tend le bon de chargement.

Garde 1
(en le regardant) Il y a un tampon ! (sourcillant) Vous êtes le camion qu’est parti à l’instant! Mais c’est pas vous que j’ai vu !

Gomez tire à travers la portière, envoyant ad patres le douanier. Le mode silencieux étouffe la détonation. L’autre garde est abattu, dans une action coordonnée de Mario. Le chauffeur écrase le champignon. Crissement des pneus. La camionnette fait une entrée fracassante dans le hangar.

70. Int. Entrepôt.
D’énormes rayonnages hauts de plusieurs mètres remplis de caisses. De chaque côté des murs d’étagères, un large espace de circulation investi par les camions et les fenwick. Il y a un deuxième niveau, occupé par des bureaux visibles depuis le bas.
Maxwell entouré de deux gorilles, observe les opérations depuis une mezzanine métallique au premier étage. Il assiste en toute première loge à l’attaque. Ses gardes du corps se pressent de l’évacuer dans les bureaux.

Gomez lance la camionnette sur les murs de rayonnage le long desquels sont déployées des sentinelles. Mario et lui s’éjectent avant l’impact. Un formidable fracas métallique. Un garde, moins réactif, que les autres, se trouve écrabouillé contre un pilier.
Nos deux tueurs se réceptionnent sans dommage sous le tir nourri des gardes revenus de leur surprise. Ils se redressent sur leurs jambes et partent au feu chacun de leur côté.

Les balles glissent sur Gomez qui a bien pris soin de se munir de son porte-bonheur… Un pistolet mitrailleur. Ses adversaires sont fauchés à la volée. Le tueur trouve dans les chariots et les camions des points de repli, pour mieux repartir à la charge. Des caristes tombent sous les balles dans des explosions de verre et une grêle de fer.

Mario, derrière un fenwick, essuie des tirs groupés sur sa droite. La largeur du hangar amplifie l’écho furieux des balles. Une grenade l’aide à faire place nette. Deux gardes sauvent leurs miches in extremis, un autre encaisse la déflagration en pleine face. Sa jambe droite est sectionnée nette. Mario recharge son pistolet mitrailleur, grimpe dans le chariot élévateur et passe la première. Une main sur le volant, l’autre préposée au canardage. Les deux sbires encore sur pied ramassent leur arme mais échouent à riposter, criblés de pruneaux.
Un noyau dur de trois gangsters avec des mitraillettes surgit de derrière un camion, sur sa gauche, et vide son chargeur vers lui. Mario se baisse mais doit sûrement sa vie à la pile de caisses empilée sur les fourches du fenwick.

Il écrase l’accélérateur, et monte au front, baïonnette au canon. Le mur d’artillerie se disloque avant l’impact. Mario saute du chariot électrique, qui finit sa course contre un rayonnage, et se jette sur un garde. Les deux hommes roulent au sol. Mario prend le dessus en l’immobilisant et lui loge une balle à bout portant. Une nouvelle salve l’oblige à rouler sous le camion. Pénurie de munition ! Son salut vient de la mitraillette du défunt garde. A plat ventre, Mario donne la réplique aux deux assaillants. Après un échange nourri, il obtient le dernier mot.
71. Int. Entrepôt
Gomez longe les rayonnages en tenant son 11mm des deux mains. La mezzanine le surplombe. L’éclairage renvoie sur le sol l’ombre de la rambarde. Une ombre, humaine celle-ci, se dessine au dessus de la balustrade. Gomez fait montre de réflexes salvateurs. Le garde, copieusement plombé, dégringole du parapet et s’écrase six mètres plus bas. Le tireur ramasse sa mitraillette et monte vers la mezzanine.

Un sbire déboule d’un des bureaux pour le gratifier d’une rafale automatique. Gomez s’aplatit sur les dernières marches et répond du tac au tac… ou plutôt du tac tac tac ! Atteint à la jambe droite, l’homme de main se replie dans le bureau.

Gomez rejoint la plate-forme métallique et, dos au mur, évolue vers la porte en verre du bureau. Une volée de mitraille est tirée depuis l’intérieur, faisant voler en éclats la vitre. Le mercenaire sort une grenade de sa ceinture, la dégoupille et la baratte dans le trou béant. Une explosion fait trembler toute la structure.
Gomez entre dans la pièce dévastée. La fumée laisse entrevoir un monceau de gravas (le plafond est à moitié effondré) des débris de plâtre et du verre partout. Le cadavre du garde
à proximité d’un mobilier soufflé.
Une porte communique avec le bureau voisin. Il y pénètre, précédé de sa pétoire. Personne. Son flair l’oriente vers l’issue de secours du bureau.

72. Ext. Nuit. Entrepôt
Maxwell dévale les dernières marches de l’escalier. Une Mercedes est garée au bas. Il actionne le déverrouillage des portières, s’engouffre avec son attache case. La voiture s’ébranle dans un crissement de pneus.
La berline descend vers la bordure de quai. Mais au tournant du hangar, surgit un fenwick avec les fourches en avant. Les deux véhicules rentrent en collision, quasi frontalement. Le choc, violent, projette la Mercedes sur trois mètres. Mario, assis sur le chariot, fait feu sur les carreaux avant. La pétarade claque dans la nuit. S’ensuit un silence de mort que trouble juste le ronronnement du moteur.

Mario repart dans la direction opposée, au volant du chariot.

73. Ext. Nuit. Quai.
Mario se véhicule jusqu’à la bagnole de Gomez. Les portières sont verrouillées. Il parvient à ouvrir en brisant une vitre avec la crosse de son pistolet. Les deux jeunes filles se trouvent toujours allongées ligotées sur la banquette arrière. Il tire les deux prisonnières, l’une après l’autre, hors de la voiture. Il débâillonne Rachel lui donnant toute liberté pour hurler. Fermement, il applique une main sur sa bouche.

Mario
Je te libère mais tu coupes l’alarme, ok ?

Rachel acquiesce d’un hochement de tête. Il sort un canif et tranche ses liens.

74. Ext. Nuit. Quai.
Gomez s’approche de la Mercedes dont le moteur tourne toujours. Les vitres explosées donnent le spectacle du cadavre de Maxwell, sa tête couchée sur le volant. Un cri au loin sur le quai éveille son attention. Il éjecte le macchabée hors de l’auto pour se mettre au volant.

75. Ext. Nuit. Quai.
Mathilda n’a pas avalé toute sa salive et s’en gardait pour son ravisseur qui écope d’un beau crachat sur ses vêtements. Mario, impassible, sort un couteau pour trancher ses liens.

Mario
Je sais ce que tu penses… Mais si t’avais pas joué les flics, on n’en serait pas là.

Rachel, de nouveau libre, est adossée contre la voiture, les yeux hagards, en état de commotion. Les phares d’un véhicule arrivant de la zone de l’entrepôt. La vue de la lumière provoque comme un électrochoc chez la jeune fille qui se lève et se met à courir dans sa direction.

Rachel
Une voiture ! Oh merci, mon dieu ! Arrêtez-vous ! Arrêtez-vous !

Mario
(hurlant) Non ! Revenez !

Il court à sa poursuite mais Rachel a déjà fait stopper la voiture. Les yeux de la jeune fille se révulsent de terreur lorsqu’elle identifie le conducteur. Gomez ouvre la portière, le canon d’une arme dirigé vers elle. Le coup part… atteignant sa cible en pleine tête. L’assassin encaisse alors un retour de bâton, touché à son tour à l’épaule par Mario malgré tout arrivé trop tard. Gomez tente de se ressaisir mais son partenaire fond sur lui et parvient à le désarmer en écrasant son bras avec la portière. Le 9 mm tombe sur le bitume. Gomez, assis devant le volant, fait face à un calibre braqué sur lui.

Gomez
(en se tenant son épaule ensanglantée) Qu’est-ce qu’y t’arrive, putain? Toutes les deux, elles connaissent notre gueule !

FOR MATHILDA (4)

Photo glanée sur le blog :  Dpixel365's Blog Everyday Life captured in a single moment
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26. Ext. Jour. Une rue passante de Little Italy.
Mathilda et Rachel, sa meilleure amie, marchent d’un pas flâneur. Rachel, dans les mêmes âges que Mat, est une belle petite blonde, en jean et t-shirt sobre, avec des cheveux lisses attachés en arrière,

Rachel
Tu viens avec moi à la fête?

Mathilda (songeuse)
Je ne sais pas. J’ai encore du travail.

Rachel
Mat ! tu vas pas me faire ça ! Ce soir c’est la fête ! et le seul truc que tu vas étudier ce sera des beaux petits culs de mecs.

Mathilda
Ecoute, j’ai pas la tête à ça.

Rachel
Mais t’as jamais la tête à ça ! Tu veux pas finir vieille fille !

Mathilda
Non ! (sur un ton mystérieux) J’ai vu un garçon hier soir.

Rachel (avec excitation)
Aaah ! (bombardement de questions) Comment il s’appelle ? Il est d’où ? De la fac ? Je le connais ?

Mathilda
C’est le type qui m’a sauvé dans le parc… Il est passé au magasin hier soir.

Rachel
C’est formidable ! J’espère que cette fois t’as pu te jeter à son cou ! Dis-moi tout !

Mathilda
Il doit avoir dans les 25 ans, plutôt beau gosse, mystérieux. Je sais pas grand chose sur lui. Juste qu’il s’appelle Mario.

Rachel
Quoi? Et c’est tout? Vous vous êtes dit quoi?

Mathilda
Il aime les bégonias, il m’en a acheté un. J’en ai pas su beaucoup plus…

Rachel
Mais il fallait le tanner ! Est-ce que tu l’as mis à l’aise, au moins ?

Mathilda
Ben, j’ai bien pensé à le faire s’asseoir et à me frotter à une barre en cuivre (imitant le mouvement d’une gogo danceuse) Ecoute, avec ses lunettes noires et ses phrases au compte-goutte… Je n’avais pas peur, non… Mais il me troublait!

Rachel
Il bosse peut-être dans un truc secret, genre CIA ! Vous vous reverrez?

Mathilda
Je ne sais pas.

Rachel
(déçue) Çà veut dire non… T’as pas assurée, ma vieille.

Mathilda
C’est mieux ainsi, s’il est du genre barbouze. Je veux pas épouser un courant d’air!

Rachel (avec des yeux coquins)
Qui te parle déjà de l’épouser? Tu brisais la glace au pieu.

Mathilda
(agacée) Je suis pas une Marie couche-toi-là, d’accord ?… Moi j’ai besoin d’aimer vraiment pour le faire…

Rachel marque un arrêt cependant que son amie continue de marcher.

Rachel
(lui crie) Et à quoi tu le reconnaîtras le vrai amour si tu l’as jamais vu avant?

27. Ext. Entre chien et loup. Mulberry Street.
L’avenue est envahie de monde pour le coup d’envoi des festivités de San Gennaro.
Des chars fleuris cheminent entre deux rangées d’étals de chaque côté du boulevard. Sur l’un d’eux, des musiciens coiffés d’un béret aux couleurs de l’Italie jouant de la trompette. Tout un cortège de chars, de fanfares, de gens déguisés en costume folklorique. Une pluie de confettis.
La foule se presse aux dizaines de stands de pâte fraîche, de pizzas et de glaces, installés en bordure.
Des costumes traditionnel de diverses provinces d’Italie, Sardaigne, Vénétie. Sont convoqués également, les grandes figures de la culture latine en particulier de la commedia del arte, entre autres des Arlequin.

28. Ext. Soir. Ruelle.
Une demi-douzaine d’arlequins longent une ruelle adjacente à Mulberry Street. Certains tiennent leur masque à la main. Ils rigolent, quelques uns fument une clope. Ils passent devant une porte dérobée métallique qui donne sur l’arrière d’un commerce.

Au passage du dernier arlequin un peu à la traîne, la porte s’ouvre et une main le happe vers l’intérieur. Un bruit de coup de poing. Les autres continuent sans ne se rendre compte de rien.

L’arlequin ressort et va rejoindre ses camarades. A la différence que ce n’est plus le même. C’est Mario.

29. Ext. Soir. Mulberry Street.
Des Arlequins avec leur costume bigarré et leur masque grimaçant, exécutent une danse tout en suivant un char fleuri. Au dessus de leur tête, des illuminations. Mario s’immisce dans la parade en tentant de se caler sur la chorégraphie. Son attention se tourne très vite vers la foule amassée. Sur sa gauche, un restaurant italien, à l’enseigne brillant de mille feux : Chez Minelli.
Un groupe d’hommes en costume austère parlent devant l’entrée du resto.
Mario fait mime de parader sans les lâcher des yeux. Les deux types rentrent dans le restaurant.

Mario s’éclipse du cortège en continuant ses airs de danse.

30. Int. Le restaurant Minelli.
L’établissement est plein. Mario entre et cherche des yeux les deux individu. Aucune trace d’eux. Arrive un serveur au crâne dégarni.

Serveur
Bonsoir monsieur. Vous désirez une table?

Mario
Des hommes en costume gris sont entrés. Où sont-ils ?

Le serveur (sourcils froncés)
Vous avez réservé avec eux ?

Mario
Non.

L’homme
Alors je n’ai pas à vous répondre. Vous prenez une table ?

Mario (froid)
Où sont-ils ?

L’homme (sèchement)
Bon, écoutez, ou vous prenez une table, ou vous retournez parader avec vos petits copains dehors.

L’arlequin dégaine un silencieux qu’il lui colle contre la tempe. Des clients attablés glapissent de terreur.

Mario
(rugissant) Dernière fois ! Où ils sont ?

L’homme (pétrifié)
Oh, déconnez pas ! je suis pas censé vous le dire, moi. Ils me feraient la peau.

Mario
(en pressant un peu plus le canon du flingue) T’as cinq secondes.

L’homme
Ok ok ! La porte au fond, derrière les chiottes !

Mario (l’entraîne, toujours sous la menace de son arme)
Viens avec moi.

Les dîneurs les regardent traverser le restaurant, stupéfaits.

31. Int. Une salle envahie de fumée de cigarette.
Quatre hommes en costume réunis autour d’une table, parmi lesquels le dénommé Gonzales reconnaissable à sa moustache. Il règne comme une légère tension dans la pièce, qui est sans doute imputable à la valise pleine de biftons en jeu. Devant la porte, un molosse armé.
Gonzales recompte la somme.

Un acheteur (avec impatience)
On peut voir la came ?

Au signal de son chef, l’un des molosses dépose une valise sur la table. Gonzales l’ouvre. A l’intérieur, reposent plein de sachets de coke.

32. Int. Un couloir aux murs ternes et fissurés
Le serveur conduit Mario jusqu’à une sorte de porte coupe-feu. Il pointe du doigt la lourde.

Mario
(en lui imprimant la marque du canon sur le front) Barre-toi .

L’otage ne se fait pas prier et se carapate. Mario soulève le haut de son costume d’arlequin, découvrant une ceinture avec des munitions et des explosifs. Il en tire un détonateur qu’il colle à la porte.

33. Int de la salle.
On frappe à la porte. Un molosse, l’arme à la main, ouvre un judas.

Lui
Le mot de passe ?

Mario
L’aigle va fondre sur la vieille buse

Bouledogue
Quoi ?!

Mario gare ses miches juste à temps, avant l’explosion de la porte. Le bouledogue est projeté dans le souffle. Mario enjambe les débris, armé de son silencieux. Les trafiquants autour de la table défouraillent avec un temps de retard. L’assaillant les abat chacun avec maestria. Des éclaboussures vermeilles sur les murs. Le tueur s’approche du garde blessé par l’explosion, gémissant. Il abrège ses souffrances.

Deux gardes se rameutent, du fond du couloir, emmenés par le serveur qu’a laissé partir Mario. L’un d’eux, apercevant Mario, ouvre le feu avec un pistolet mitrailleur. Ce dernier bascule la table en fer pour s’en servir de rempart. Il change son silencieux pour des calibres supérieures.
Un déluge de feu se déverse sur le bouclier de fortune. Le raffut métallique des balles criblant la table.
Mario opère une sortie éclair, un pistolet 9 MM dans chaque main. Les tirs se croisent. Les deux canardeurs, tous deux fauchés aux jambes, s’effondrent dans une grimace de souffrance. Un blessé à terre dépense ses dernières réserves pour viser Mario. Il n’a pas le temps de mener à bout son action. Une balle dans la tête pour lui et l’autre éclopé.

Mario évacue le champ de bataille. Il veut reprendre par le couloir, mais se heurte à nouveaux renforts en face. Trois gaillards armés. Mario tire une grenade fumigène de sa ceinture de survie. Un nuage de fumée s’épanouit. Des toussotements frénétiques. Le spadassin masqué range ses flingues, sort un couteau et se jette dans la mélasse de brume. D’horribles sons de pénétration de chair et des râles.

La fumée se dissipe. Des giclées de sang sur les murs. Un homme est étendu, sur le carreau. Les deux autres sont blessés. Le plus valide relève l’autre.

34. Int. Cuisine du restaurant.
Mario traverse les fourneaux, son surin ensanglanté à la main, sous le regard pétrifié du personnel. Il sort par la première porte de service.

35. Ext. Une ruelle.
L’arlequin remonte vers Mulberry Street où la fête bat son plein.

Deux truands, survivants du massacre, sortent par la même porte et s’entendent pour prendre la direction du cortège. L’un d’eux se tient les côtes, sûrement blessé à cet endroit. L’autre présente une rigole de sang le long d’un bras.

36. Ext. Mulberry Street.
Les hommes de main se frayent un passage dans la foule amassée, cherchant du regard le mystérieux saltimbanque.

Mario danse maladroitement au milieu d’autres artistes en costume. Il prend une clarinette des mains d’un clown musicien, lequel proteste et lui arrache l’instrument

Les tueurs évoluent dans la foule, leur attention toute tournée sur les héros de la commedia del arte. Lequel est leur homme? L’attention d’un d’eux se porte sur un danseur, plus guindé que les autres.

Des danseurs en costume traditionnel invitent des spectateurs à faire des pas de danse avec eux. Au milieu du public, une jeune fille arrête l’attention de Mario. C’est Mathilda accompagnée de son amie Rachel. Il s’approche d’elle, et l’invite à la suivre dans le cortège.
Elle se laisse entraîner en riant.

Les soupçons des gangsters s’évaporent. Un flic en uniforme surgit sur leur gauche.

Mario (tandis qu’il danse avec Mathilda)
Au café Fellini à 22 heures.

Mais elle ne l’a pas reconnu sous son masque.

Mathilda(surprise)
Pardon ?

(il soulève furtivement son masque)

Mathilda
Mario ?

Lui
Au café Fellini à 22h. J’y serai

Il lui lâche la main et retourne se noyer dans la foule. Mathilda reste plantée, l’air de n’y comprendre plus rien.

Pendant ce temps, le flic en uniforme a remarqué du sang sur le bras d’un des gangsters.

Le policier (une main sur la crosse de son arme)
Eh ! Qu’est-ce qu’il vous est arrivé ?

L’autre dégaine instantanément un 9MM et l’abat froidement. Cris de panique dans la foule.
Les tueurs s’échappent par une petite ruelle.

Un attroupement autour du cadavre du flic. Parmi les badauds, se trouve un Arlequin, lequel gagne à son tour la ruelle.

37. Ext. Un parking.
Les deux assassins s’engouffrent dans une berline noire.

38. Int. La voiture.

Le tueur blessé (à l’autre)
Merde, t’étais obligé de buter ce flic ?

L’autre
Oui ! Et ça devrait être le cadet de tes soucis. Maxwell va jamais nous pardonner ce qui est arrivé. On a pas assurés. Putain, Gonzales est mort !

L’un
Mais ce type ? C’était qui, nom de dieu ? Pour qui il travaille ?

L’autre (en tournant la clé de contact)
Je veux pas le savoir. On met les bouts !

La voiture démarre. Elle longe une rangée de voitures. Direction la sortie du parking. Soudain, une forme surgit de nulle part .

L’arlequin fantôme les tient en ligne de mire. Il ne laisse aucun temps de réaction aux deux passagers.
Le pare-brise est repeint de rouge. La bagnole finit sa course dans une autre. Une alarme rugit.