Le gardien (3)

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–Vous êtes habile au combat, gardien, mais contre un sorcier cela sera plus difficile.
Le jeune homme sentit le pouvoir du mage noir monter et se concentrer dans ses mains. Il courut droit sur lui. Ce dernier lança un sort qui frappa en pleine poitrine Denis Leblanc, mais sans la puissance suffisante pour le stopper. Le mage tenta une invocation, mais il n’avait pas ouvert la bouche qu’il sentit une douleur aiguë dans le ventre. L’épée de Denis Leblanc l’avait transpercé. Il tomba à genoux, la lame toujours plantée en lui.
– Et maintenant, renvoyons tous ces corps de l’autre coté, dit Denis Leblanc. Je ne veux laisser aucune trace de votre passage, ni du mien.
– Comment y parviendrez-vous ? Il ne reste plus personne à offrir en sacrifice pour ouvrir un portail entre ce monde et le mien.
– Mais si, il reste vous.
Il posa la main sur la tête du mage noir et récita la formule magique qui ouvrit le portail. Quand cela fut fait, il commença par y jeter les corps de tous les gobelins puis des soldats. Il ramassa les armes et leur fit prendre le même chemin. Il revint vers le mage noir. Ce dernier ressemblait à un vieillard de plus de cent ans avec des cheveux blanc et un visage parcheminé.
– Il existe multiples façons d’ouvrir les portails, mais celle là est la moins fatigante pour un gardien, dit Denis Leblanc.
– Retourner l’énergie d’un autre sorcier contre lui au point de le faire vieillir, cela est très malin ! Je ne vous imaginais pas capable de sacrifier une vie pour ouvrir un portail entre deux mondes.
– Il ne faut pas me sous estimer, sorcier. Je ne suis pas de votre monde mais de celui-ci. Je suis capable de faire des actes auxquels d’autres gardiens n’auraient jamais pu penser.
Denis Leblanc retira la lame du ventre du mage noir qui poussa son dernier soupir. Le portail se referma aussitôt. Il s’approcha d’un mégalithe sur lequel il apposa une main pour s’approprier la la force magique du lieu. Une douleur lui parcourut le corps. Il ressentit le contre coup de l’attaque magique du mage. Il souleva ses vêtements et vit un hématome rouge sang sur son torse. Il toucha la blessure et grimaça de douleur.

Chapitre 3
Deux policiers surveillaient une zone autour des mégalithes, qui avait été délimitée par la police scientifique. Les policiers regardaient ces hommes habillés en blanc comme des cosmonautes. Ils s’affairaient autour d’un corps allongé sur le sol tandis que trois autres travaillaient autour du périmètre. Deux inspecteurs se tenaient juste à coté d’eux, en costume cravate.
– Alors? demanda un inspecteur, en regardant le corps d’un vieillard.
Le médecin légiste se retourna vers l’enquêteur qui attendait des réponses.
– Inspecteur Fernaut, nous avons devant nous un vieillard mort.
– Je vois cela. Mais encore?
– Nous avons été appelés car toute la population de l’île a été enlevée, la nuit dernière.
– Toute la population d’une île enlevée? C’est une blague !
– Alors, d’après les premiers témoignages les habitants de l’île, ils ont été attaqués par des créatures de petite taille à la peau verte.
– Ha ha, la peau verte ! Ils ont bu quoi ? Ils croient qu’ils se sont fait attaquer par des martiens ou des lutins?
– Ils se sont fait sortir de leurs lits et ligoter près de ces pierres là-bas. Nous pensons que les preneurs d’otages voulaient se servir d’eux pour des sacrifices humains, mais cela n’est qu’une simple théorie.
– Des sacrifices humains? Vous vous moquez de nous, docteur ? Nous ne sommes plus au temps de l’antiquité !
– Je le sais. Aucune recherche archéologique n’a apporté la preuve qu’il y a eu des sacrifices humains entre ces pierres. Par contre, pour les animaux, de multiples ossements ont été découverts ici, enterrés sous différentes strates.
– Et pourquoi ces soit disantes créatures auraient choisi ce lieu pour faire ce sacrifice ?
– Une légende locale parle de ce lieu comme d’un passage entre deux mondes.
– Et bien, tout un programme ! Cela et rien d’autre ? Une piste d’atterrissage pour OVNI tant qu’on y est !
– Si, quand ce passage est ouvert, des créatures étranges passent et attaquent tous ce qu’ils croisent.
– Et cela serait déjà arrivé ?
– Oui, selon la légende. Il y a 350 ans environ.
– Et comment le savons-nous ?
– L’île était vide de toute vie après. Il ne restait plus que deux survivants.
–Oui, je suis fan des histoires locales étranges dans ce style là, sourit l’un des inspecteurs.
–Et tu as lu quoi d’autre ? Autant aller au bout de l’absurde !
–Les deux survivants ont été pris dans un premier temps pour des fous, continua le médecin légiste. Ils ont dit avoir vu des créatures du diable envahir le monde, puis des anges venir se battre contre eux et les faire fuir, puis ils sont retournés chez eux.
–Nous sommes vraiment dans l’absurde.
Une femme d’une trentaine d’année s’avança. Elle avait des yeux clairs presque bleus, les cheveux mi-longs d’un blond de couleur paille attachés par un élastique. Elle portait un tailleur moulant qui faisait se retourner tous les hommes et quelques femmes sur son passage. Elle s’avança vers le corps et serra la main du médecin. Les deux policiers la regardèrent passer.
– Madame Monmaison commença le médecin légiste, nous avons un mort ici, tué par une lame.
Il désigna la plaie sur le torse. La juge retint un haut-le-cœur en plaquant sa main sur sa bouche.
–Et vous l’avez identifié ? demanda la magistrate.
–Non, il n’a pas de papier d’identité sur lui, mais plusieurs choses très intéressantes peuvent nous aider à l’identifier.
–Intéressantes comme quoi ?
Je vais vous montrer.
Le médecin ouvrit la bouche du cadavre et exhiba ses dents. Une partie de celles-ci étaient en mauvais état, et certaines semblaient usées.
–Et bien elles sont en sale état, on dirait qu’il n’a jamais vu de dentiste de sa vie.
–Il faudrait que je demande à un collègue mais je partage votre impression. Il n’a jamais vu de dentiste de toute sa vie, selon moi. Il a des caries, les dents usées comme si il prenait une alimentation de mauvaise qualité ou très dure, comme de la viande séchée.
–Il y a encore autre chose à dire sur le corps avant de l’emmener à la morgue, docteur ? demanda la jeune femme.
–Pour le moment non, mais ses dents ne semblent pas correspondre à l’âge de la personne.
–Comment cela ?
– Sa dentition est celle d’un adulte d’un âge moyen, mais pas à un vieillard comme celui que nous avons devant nous.
–Et vous pensez à autres choses ?
–Pour le moment non. Je pourrais vous donner d’autres détails sur ce corps après avoir fait une autopsie et des analyses de sang.
La juge d’instruction tourna la tête rapidement autour d’elle.
–Et ces marques au sol ? demanda Madame Monmaison.
–Pour le moment, il est difficile de le dire, mais à première vue, elles témoignent de déplacements rapides. Nous avons même relevé des traces de sang à plusieurs endroits. Certains policiers ont suggéré qu’il y a peut-être eu des combats, mais pour le moment, nous n’avons trouvé aucune trace d’autre corps que celui-ci, ni d’arme à feu.
–Et il existe des spécialistes pour nous donner plus d’information ?
–Je ne sais pas, je vais appeler tout de suite et me renseigner.
–Parfait, je pense que je n’ai plus rien à faire ici, je rentre sur le continent alors.
La juge d’instruction s’éloigna en faisant retourner tous les hommes sur son passage et certaines femmes qui, vertes de jalousie, lui lançaient des regards noirs.
La scène de crime commença à se vider doucement. Le corps fut enlevé et conduit sur le continent. Les deux inspecteurs empruntèrent le même bateau. Leur conversation porta sur des sujets futiles pendant tout le trajet.

PIERRE

Le gardien (2) Par Pierre

Chapitre 2

Le jeune homme tourna quelques minutes en rond dans son petit appartement. Il n’avait pas vraiment cherché à s’y installer, à en faire son chez-lui. Les cartons constituaient l’essentiel du mobilier de la pièce. Ils s’empilaient sur plusieurs hauteurs. Un pan entier du mur en était recouvert. Le jeune homme alla dans la salle de bain, tourna le robinet et s’aspergea d’un peu d’eau. Il retourna dans la pièce principale pour y boire une gorgée d’une petite bouteille d’eau minérale qu’il posa ensuite sur la table à roulette disposée au milieu de la pièce, sur un grand tapis. Il ouvrit un livre et le prit pour finir de le lire dans son lit. Le sommeil le gagna rapidement. Il ne chercha pas à lui résister. Il avait besoin de dormir pour reprendre des forces. Au petit jour, son téléphone sonna sur le sol. Il l’attrapa et décrocha dans le même mouvement.
– Monsieur Leblanc, il est 6 heures du matin ! fit une voix robotique.
– Merci répondit Denis Leblanc.
Il raccrocha et pensa que ce service de réveil était parfait pour lui. Il s’assit quelques instants sur le bord du lit et se leva pour une journée de travail en usine. Cela lui assurait le minimum vital pour manger, payer son loyer, et assurer ses petits plaisir, en particulier les livres.
Juste après sa journée de travail, il retourna dans son deux-pièces. Denis Leblanc avala son repas et attendit le couché du soleil.
Il déplaça la table à roulette et enleva le tapis. Des symboles étaient dessinés sur le sol, certains à la peinture et d’autres à la craie. Il alluma des bougies et les plaça sur certains symboles. Il enleva le médaillon qu’il portait autour du cou et le posa sur la table. Le médaillon était en argent et gravé d’un dragon stylisé entouré de flammes et de nuages. Les yeux du dragon étaient incrustés de pierres rouges. Les flammes qui sortaient de sa gueule étaient en or.
Denis Leblanc balaya la pièce du regard et arrêta celui-ci sur un coffre en bois recouvert d’une couverture en laine. Il ouvrit la malle d’un mouvement sec et décidé. La caisse était vide, avec quelques moutons de poussière dans le fond. Il passa la main sur le coté du coffre et trouva un petit pivot de bois saillant. Il appuya dessus pour l’enfoncer dans la paroi. Un double-fond s’ouvrit, où étaient dissimulés des vêtements.
Il enfila un pantalon en toile noire, une cote de maille légère par dessus laquelle il mit un pull. Denis Leblanc releva la planche qui était tombée du couvercle et mit la main dans le coffre pour lever un deuxième double fond. Il en sortit une ceinture en cuir ainsi qu’un fourreau et une épée qu’il attacha à sa taille. Il glissa des poignards dans des encoches prévues à cet effet. Il referma le coffre et ouvrit les encoches de coté pour prendre de la main droite une petite arbalète qu’il déplia en un mouvement du poignet.
Le jeune homme se rendit dans la cuisine prendre une pomme et du pain qu’il glissa dans un sac. Il mit celui-ci en bandoulière et vérifia d’un regard le contenu. Il retourna au centre du dessin et s’agenouilla. Il prit un livre posé au sol à coté du dessin, le feuilleta rapidement jusqu’à s’arrêter à une page. Celle-ci montrait une représentation mégalithique. Il se leva pour prendre le journal et tourna plusieurs pages afin de voir ces mêmes pierres en photographie. L’article disait que quatre personnes avaient perdu la vie de façon inexpliquée dans une petite île de la Manche . Les corps avaient subis de fortes mutilations . Denis Leblanc avait tout de suite compris qui se trouvait derrière ces attaques et ces meurtres.
Il devait stopper cela tout de suite.
Dans un mouvement, il jeta le journal dans la pièce et s’agenouilla au milieu du dessin. Il lut attentivement l’incantation qui devait lui assurer le moyen de se rendre sur l’île. Le jeune homme redessina certains symboles à la craie, au centre du dessin, pour parachever le rituel magique. Il commença à réciter la formule. Un nuage de fumée l’enveloppa. Il sentit l’air changer autour de lui. Il pouvait déjà humer l’iode de la mer. La fumée blanche se dissipa autour de lui. Il était dans le noir complet.
Il devait attendre que ses yeux s’habituent à l’obscurité, mais surtout récupérer des forces, car cette opération demandait beaucoup d’énergie magique. Se déplacer d’un endroit à l’autre dans un même monde était épuisant. Passer d’un univers à l’autre, cela pouvait s’avérer mortel pour une personne non entraînée. Cela dura quelques minutes. Denis Leblanc pouvait parfaitement marcher dans la nuit.
Il s’orienta vers des points lumineux au loin, en déduisit que cela devaient être les habitations. Les premières maisons étaient vides. Il serra le poing. C’était ce qu’il redoutait, les habitants avaient été enlevés. Il fit rapidement le tour sans toucher à quoi que ce soit afin de ne pas laisser de traces.
Il traversa la campagne pour se rendre au site des mégalithes. Celui-ci était structuré en deux cercles de pierres : certains menhirs étaient tombés, d’autres commençaient à être recouverts de verdure et de plantes grimpantes. Le jeune homme arriva à une cinquantaine de mètres et s’accroupit à l’abri des regards, derrière un buisson d’épines. Il regarda devant lui, sortit des jumelles de son sac et scruta dans cette direction.
– Merde, murmura-t-il.
Il avait reconnu un mage, le visage dissimulé derrière une capuche, flanqué de ses deux gardes du corps et de soldats d’élite, en pleine séance de magie noire. Autour d’eux une dizaine de gobelins couraient d’un lieu à un autre et surveillaient une dizaine de personnes de différents âges. Quelques uns avaient été extirpés de leur lit car ils portaient des vêtements de nuit.
Les gobelins étaient des êtres assez petits, d’environ un mètre vingt, avec la peau grisonnante. Ils portaient des vêtements récupérés sur des corps, souvent déchirés et rapiécés. Leurs armes étaient, la plupart du temps, glanées de la même façon. Denis Leblanc passa en revue toutes les possibilités que lui offrait le terrain pour lancer son attaque en quelques secondes. Il arma son arbalète et prépara des flèches supplémentaires.
Il s’approcha doucement sans faire de bruit en se déplaçant le plus souvent en rampant. Il était à distance de tir. Quand il fut à porté de sa cible, il visa le premier gobelin et jeta un regard sur les autres. Denis Leblanc attendit, guetta un moment d’inattention de leur part pour décocher sa flèche. Le carreau entra dans le crâne d’un gobelin qui s’effondra sur le sol.
Denis Leblanc jeta un regard vers les sentinelles restantes. Aucune ne semblait avoir remarqué l’absence de leur camarade. Il plaça une seconde flèche dans la glissière de l’arbalète. Il s’avança doucement en rampant et se cacha derrière une pierre. Il prit un poignard par la lame et se prépara à le lancer. Il observa et, au passage du premier gobelin, lui lança le poignard lequel se planta dans sa gorge. La créature s’écroula dans un bruit de métaux lourd.
Le vacarme attira l’attention des autres gobelins. Denis Leblanc devait se jeter dans la bataille sans réfléchir. Il lança ses autres poignards vers ses adversaires. Tous s’écroulèrent morts, sauf deux. Denis n’avait plus d’arme à lancer. En criant, les gobelins prirent leurs lames et se jetèrent sur le jeune homme qui défourailla et para la première attaque sans difficulté, du tranchant de la lame. D’un mouvement rapide, il trancha le bas du ventre du premier gobelin et enfonça sa lame dans le second.
Il faisait maintenant face aux deux gardes du corps et au mage noir. Il leva son arbalète et tira. Le mage leva la main, faisant dévier le carreau de sa course.
–Il vous faudra plus que cela pour me tuer mon jeune ami, dit le mage noir.
–C’est ce que je vois, sorcier.
– Qui êtes vous ?
–Je suis un gardien des portails.
–Un gardien ? Je ne savais pas qu’il en restait encore.
Les deux gardes du corps avaient déjà sorti leurs épées de leurs fourreaux et avançaient vers le jeune homme.
–Il en reste au moins un, sourit Denis Leblanc.
Le jeune homme savait par expérience qu’il devrait tuer le plus rapidement possible ces deux soldats sans pour autant utiliser de magie, réservant celle-ci pour le mage noir. Les deux gardes du corps étaient des soldats de premier plan, entraînés à tuer.
Il étudia le langage de leurs corps pour anticiper leurs attaques. Denis Leblanc attendit la première offensive. Il para et abattit sa lame sur le bras de son adversaire. La lame fit jaillir le sang et cassa l’os. Le soldat cria de douleur et lâcha son arme. Denis releva son épée, lui trancha la gorge de façon verticale. La lame finit sa course dans la mâchoire de la créature.
Il passa son pied sous l’épée de son adversaire, la fit sauter en l’air pour l’attraper. Il pivota et la jeta dans la direction des prisonniers. La lame coupa un lien et, par conséquent, leur rendit la liberté. Le magicien grogna de rage, mais les laissa fuir. Il reporta son attention sur le deuxième garde du corps.
–Gardien, tu aurais dû jeter cette lame sur moi. Avec un peu de chance, cela t’aurait sauvé la vie, dit ce dernier.
–Mais j’ai encore la mienne.
En finissant ses mots, il fit un mouvement vers l’avant et lança son épée qui se planta dans le torse de son adversaire. Celui-ci baissa les yeux pour regarder sa blessure.
Denis Leblanc s’approcha tranquillement de lui et attrapa le pommeau. Il retira la lame du corps d’un coup sec. Le soldat s’effondra sur le sol.
– Vous êtes habile au combat, reconnut le sorcier, mais contre moi cela sera plus difficile.

Pierre
(à suivre)