Le bulletin de notes

LE BULLETIN DE NOTES 

Un cancre, très rusé, justifie, matière par matière, les mauvaises notes qui figurent sur son bulletin, devant le « tribunal » de ses parents. Rapportez leurs propos.

– Accusé, levez-vous !

– Il est trop tôt votre honneur. Et je suis si bien dans les draps.

– Et vous êtes dans de beaux draps. Debout !

L’accusé se lève.

– 2/20 de moyenne en mathématiques. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

– Qu’il y a déjà suffisamment de problèmes dans le monde, alors s’en rajouter avec des robinets qui fuient, merci bien !

–  Il est dit sur votre bulletin : « élève nonchalant et contestataire, opposé à toutes règles et en particulier les règles de division. »

– Alors là, c’est faux, les divisions ça me connaît. La preuve, j’adorer bien monter les uns contre les autres ! Et puis remarquez, je divise le conseil de classe. Y a les profs qui pensent encore tirer quelque chose de moi et les autres qui ont perdu tout espoir.

– Le tribunal requiert d’ors et déjà une prise en main personnalisée.

– Si vous voulez m’aider, commencez par mettre des pieds aux tables de multiplication. Posez un napperon ça fait joli et posez dessus un fromage … Un Comté, c’est de circonstance.

–  (soupir) Bon, continuons… 5/20 en géographie. « Le Nil suit son cours, je ne peux en dire autant d’Erwan peu attentif au mien. » Des commentaires ?

– Ben, autant en maths je retiens 1, alors en géo c’est carrément zéro. Trop de noms de pays, de cours d’eau, on s’y perd ! Pourquoi on fusionnerait pas tout ça ? Par exemple, les Alpes et l’Himalaya deviendraient l’Himalayalpe. Et y a trop de pays ! Le prof me reproche mes découpages en classe mais ne trouve rien à redire à celui des frontières. Remarquez le désert avance et effacera le problème tôt ou tard.

– Peut-être que ça arrivera mais pas avant la fin de votre scolarité selon les dernières estimations des climatologues. D’ici là vous serez privé de désert. Maintenant passons à l’Histoire. 3/20 de moyenne. « Élève très impliqué, surtout dans les chahuts. » Vos explications ?

– L’Histoire c’a souvent été du bruit et de la fureur, vous êtes d’accord avez moi ? La prof demande un silence religieux, alors que moi, voyez-vous, je suis pas très moine français. Alors oui, je parle fort. Je le dois bien à nos ancêtres des couches populaires qui se sont battus pour se faire entendre.

– Soit, vous participez au débat, vous marquez un point… et j’ai pas dit rond-point. Mais votre enthousiasme ne transparaît pas dans vos résultats.

– C’est parce qu’avant chaque contrôle, faut réviser. Et je suis pas un révisionniste.

– Les pavés aussi ont leur histoire. Celui-là s’appelle un dictionnaire que vous ouvrirez à la page « révisionniste » pour en apprendre le sens véritable. A la fin de l’audience. On poursuit avec le Français. Je lis l’appréciation du professeur : « élève en profond désaccord avec les participes passés. J’espère réconcilier les deux partis avant la fin du 3e trimestre. » Qu’avez-vous à répondre à cela ?

– Toutes ces règles avec toutes ces exceptions. C’est vraiment la grammaire à boire !

– Trop facile comme argument, jeune homme. Sans cadre, si chacun y allait de sa sauce, que deviendrait notre belle langue ?

– Meilleure ! Meilleure ! La langue de bœuf peut se cuisiner à plein de sauces différentes, alors pourquoi pas la nôtre ?

– Parce que c’est une langue vivante ! Réglementée par l’Académie Française, depuis 1635. On ne fait pas ce qu’on veut avec ! C’est ce que votre professeur désespère de vous faire comprendre.

– Mais c’est la mienne de langue, je suis libre. Je peux la garder dans ma poche ou la tirer… comme ça ! Baaah !

– Outrage à magistrats, vous aggravez votre cas ! Voyons maintenant si la SVT relève un peu le niveau. 7/20 : « cherche encore son élément. La Terre ? L’eau ? L’Air ? Le Feu ? On peut déjà exclure l’école. » Une réaction ?

– Cette  prof prétend enseigner le vivant, mais pour ça encore faudrait-il que ses cours le soient ! Et je vous raconte pas le voyeurisme ! Nous forcer à espionner des bactéries dans l’œil d’un microscope en égard pour leur intimité ! Elle veut qu’on les dessine, en plus de ça. Alors je les travestis, les maquille pour ne pas qu’on les reconnaisse. D’où mes mauvaises notes.

– Votre attachement à la vie privée des microbes peine à nous convaincre quand d’un autre côté vous vous passionnez pour celle de vos contacts sur les réseaux sociaux.

– C’est différent, votre honneur. Les microbes n’ont pas de mur Facebook.

– Je vous ferais remarquer qu’ils n’ont pas besoin de réseaux sociaux pour se propager. Venons-en au verdict. Le jury prendra en considération vos brillants résultats en arts plastiques ainsi qu’en sport.

– Vous vous retirez pour délibérer ?

Non, mais vous oui, et dans votre chambre avec interdiction d’en ressortir pendant tout le week end.

– C’est injuste ! Je vais faire appel !

– Et comment puisqu’on vous confisque votre téléphone portable ?

– S’y vous plait, j’implore votre Rolande… Non, Yolande… C’est quoi déjà le prénom ?

– Clémence.

– C’est ça, j’implore votre clémence ! Je recommencerai pas.

– Les non-récidivistes retiennent les leçons. Commencez pas apprendre les vôtres et on en reparlera.

 

Compte rendu d’audience par le frère du cancre.

Pas de panique

Souvenirs (en grande partie fictifs) d’un devoir sur table au temps du lycée. Vous reprendrez bien un peu de potache ?

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http://www.tournivelle.fr/la-classe-1900/

 

7h55 : Harnaché de mon sac à dos, je m’essouffle dans les marches. J’arrive au troisième étage. Déjà la plupart de mes camarades patientent devant la salle des DS (devoirs surveillés). Certains révisent encore. Je me garde de les imiter, à quoi ça sert ?

7h58 : Ça va mal. Je viens de réaliser qu’en fait je ne sais rien. Un génie malveillant a fait s’envoler tous mes souvenirs comme il aurait libéré tous les oiseaux d’une cage.

8h00 La sonnerie de début des cours retentit. Mes camarades sont sereins et moi, plus du tout. J’ai perdu toutes mes connaissances. Je me replonge de toute urgence dans mon classeur de SVT. Mauvaise idée, mon esprit s’embrouille.

8h01 Des chuintements de semelles de crêpe retentissent sur le lino du couloir. Notre prof arrive. Elle aurait quand même pu me faire le plaisir de chuter dans l’escalier !

8h06 La prof a trouvé laquelle des 22 clés de son trousseau ouvre la porte de la salle. Nous entrons en silence. Je choisis une table et comme par hasard elle est bancale. Trop tard pour changer de place, les autres sont déjà prises.

8h09 Alors que les copies ont été distribuées et que tout le monde est déjà à pied d’œuvre, moi je m’efforce de caler ce satané pied de table. Une feuille A4 pliée en 15 règle définitivement le problème.

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