For Mathilda (12)

117. Int.  Commissariat.

Mario, dans sa tenue d’infirmier, une trousse de soins à la main, se présente auprès du préposé à l’accueil. Une vitre de guichet les sépare l’un de l’autre.

Mario
Je viens pour le blessé.

Agent
(un sourcil en angle droit) Le blessé?… (en décrochant un téléphone) Un instant.

118. Int. Commissariat. Le bureau
Mathilda montre des signes de fébrilité.

Mathilda
…Pour ma santé ! Mais merde, elle va être beaucoup moins bonne ma santé si l’autre me trouve ! Alors vous rappelez votre ambulance, et on s’y met, parce que chaque minute compte !

Williams
(en se levant) Vous serez examinée ici, si ça peut vous rassurer. Et dans ce bâtiment, vous êtes en sécurité.

Mathilda
Et mes parents? S’IL avait moyen de les retrouver? (sortant soudainement son téléphone de sa poche) J’ai pas réussi à les joindre.

Williams
On s’est chargé de les contacter, ne vous inquiétez pas. Ils seront là bientôt.

119. Int. Accueil du commissariat.

Le flic ascétique qui se trouvait dans le bureau avec Mathilda et l’inspecteur Williams, accueille Mario

Flic
Capitaine Peterson. Vous êtes le docteur Louis?

Mario lui présente la carte du toubib. Peterson acquiesce.

120. Int. Commissariat.
Mario le suit à l’intérieur des locaux tandis que le flic l’entretient de la situation.

Peterson
C’est une jeune femme qui a témoin d’un 187. Elle a été enlevée avant d’être relâchée. Notre psychologue va la prendre en charge, mais elle a besoin qu’on vérifie sa tension.

Mario traverse un open space qui grouille comme une ruche avec ses dizaines d’agents en uniforme courant ici et là, absorbés par leurs affaires. Peterson remarque le boitillement de l’infirmier.

Peterson
Vous vous êtes blessé?

Mario
Une entorse

Le flic se satisfait de la réponse d’un petit hochement de la tête. Les deux hommes arrivent en haut d’un escalier et s’engagent dans une allée de bureaux vitrés. Ils se serrent sur la gauche au passage de fonctionnaires arrivant en sens inverse, les bras chargés de paperasse.

Peterson
(en prenant à témoin Mario) Il y a pas que notre budget qu’est serré, ici.

Peterson ouvre une porte. D’un geste de la main, il invite l’infirmier à le précéder dans le bureau. Une femme aux cheveux au carré, chétive, la quarantaine d’âge, est en conversation avec Mathilda. Cette dernière lève la tête à l’arrivée de l’infirmier… Avec la surprise qu’on imagine.

Mathilda
Mario ! Mais qu’est-ce que tu…?

Peterson
(en les regardant l’un et l’autre) Vous vous…?

Mario dégaine un Smith et Wesson calibre 38 de sous sa blouse d’infirmier. L’officier de police avant d’avoir pu entreprendre un seul geste, se voit désarmé. Son holster est vide. Un flingue dans chaque main, deux fois plus de bonnes raisons de ne pas discuter les ordres du mercenaire. Il recule vers le fond du bureau. Mathilda se jette sur le preneur d’otage, sans peur de se brûler

Mathilda
Mais t’es taré ou quoi ! Tu veux te faire descendre !

Un agent en uniforme, sans doute alerté par le bruit, entre dans le bureau. Mario enroule son bras autour du cou de Mathilda, en braquant son calibre 38 sur elle.

Mario
(à l’adresse de l’agent) On va descendre tous les deux.

Peterson
On est cinquante dans ce bâtiment. Vous n’avez aucune chance.

La femme aux cheveux en carré
Monsieur, je suis psychologue. Je vous en prie, il y a d’autres moyens…

Mario n’entend rien à ses objurgations et les fait sortir du bureau. La nouvelle des événements s’est déjà répandue dans le commissariat. Des condés grimpent l’escalier, au pas de course, l’arme au poing. Il en vient de chaque côté dans l’allée, à gauche comme à droite. Les services se vident peu à peu. L’homme et son otage s’aventurent dans le couloir.

Mathilda
Pauvre connard, tu vas nous faire tuer !

Mario
Les armes par terre, où j’appuie !

Peterson
Vous ne voulez pas plus que nous qu’il lui arrive du mal. Soyez raisonnable.

Une voix
Faites ce qu’il vous dit !

L’inspecteur Williams s’est ouvert un passage dans le troupeau de flics stationnés dans l’escalier jusqu’à rejoindre le capitaine.

Peterson
Inspecteur, ici c’est moi qui donne les ordres. Vous n’êtes pas à Brooklyn.

Williams
C’est mon service qui est en charge de l’enquête ! Elle est notre seule témoin et je veux la récupérer entière !

Dans un soupir assaisonné d’un « Fais chier ! » Peterson se range aux volontés de son collègue, au combien à contre cœur

Peterson
(à l’adresse de ses hommes) Posez vos armes !

Son injonction n’est suivie d’aucune réaction.
« Posez vos armes, je vous ai dit ! » répète-t-il avec davantage de conviction.
Le glissement métallique de l’artillerie sur le sol.

Mario
Dégagez le passage !

Williams (en se tournant vers les hommes agglutinés sur les marches) Vous avez entendu?

L’escalier se décongestionne.

121. Int. Accueil
Une caméra de surveillance dans l’angle du plafond filme la scène. L’agent d’accueil lève le nez d’un magazine et, en levant le nez vers l’écran, réalise la situation.

Agent
(en se ruant sur le téléphone) Oh, merde !

122. Int. Commissariat.
Mario descend marche par marche, le dos face au mur, attentif aux moindre mouvement chez les policiers.

Son otage trompe le silence insoutenable en essayant de lui faire entendre raison.

Mathilda
(lui chuchotant) Mario, c’est du suicide ! J’étais en sécurité ici !

Mario
Pas tant que le ver est dans le fruit. Laisse moi le temps.

Mathilda
(hurlant) Du temps? Et qu’est-ce qui va te rester comme temps ? Ils vont te massacrer !

121. Ext. Devant le commissariat.
Une berline stationne derrière l’ambulance dont la place n’a pas changé. Quatre passagers en descendent, des agents de la DEA. Harrisson leur emboîte le pas.

122. Int. Commissariat.
Mario progresse dans la grande salle du commissariat, au milieu de la horde de fonctionnaires de police. Les téléphones sonnent dans le vide et c’est au désobéissant qui tentera de décrocher… non pas le combiné mais un blâme ou pire par une initiative incongrue. Un condé en civil, qui planquait une pétoire derrière lui, le sort en loucedé dans le dos de Mario. Ce dernier se retourne au mouvement de son bras. Le flic le tient en joue.

Mario
(en enfonçant le canon contre la gorge de Mathilda) Range ça !

123. Int. Accueil du commissariat.
Harrisson et ses hommes suivent la crise depuis les caméras de surveillance.

L’agent d’accueil
(tout aussi attentif) Le SWAT est en route !

Harrisson
Pas besoin, on dirait que Dirty Harry a sorti son gros flingue.

124. Int. Grande salle
Le flic tête brûlée vise toujours Mario. En vérité il est nerveux, et c’est peu dire, tant le revolver tremble entre ses mains

Williams
Douglas ! Baissez ça, nom de dieu !

Un collègue lui fait baisser le canon de son arme.
Mario atteint la sortie de la grande salle. Un policier exécute son ordre de lui ouvrir la porte.

Peterson
(à Williams, sur un ton vindicatif) Et on va le laisser sortir comme ça !

Williams
Il tient une otage. Ici on a aucune marche de manœuvre !

125. Int. Accueil
Mario fait irruption dans le hall où l’attend l’escouade de la DEA. Les cow boys défouraillent au quart de tour. Harrisson leur fait baisser la garde d’un geste ferme. Echange de regards entre lui et Mario. Un sourire court sur les lèvres d’Harrisson, messager de mauvaise augure.
Mario évolue jusqu’à l’entrée principale, le dos face au mur, de sorte à réduire les angles morts.

126. Ext. jour. Commissariat.
Une voiture stoppe de l’autre côté de la rue. Une vue large sur l’entrée.

127. Ext/Int jour. Commissariat.
L’homme et son otage dévalent les marches extérieures du bâtiment. Mario desserre son étreinte sur Mathilda pour la prendre par l’épaule. Direction, la Chrysler garée en face.
Au même moment, les flics, pareils à des bulles de champagne qui remonteraient dans un verre, gagnent la sortie au pas de charge.

128. Int. Voiture
L’homme en planque ouvre la boîte à gants d’où il sort un Beretta Automatique. Il le pose sur le siège passager et enclenche le contact.

129. Ext. La chrysler.
Le chien Vagabond est là à l’intérieur, qui aboie. Mario ouvre la portière passager. Mais pour sa prisonnière, le chemin s’arrête là.

Mathilda
(en se débattant pour se défaire de sa prise)
Tu veux mourir, alors meurs ! Mais m’oblige pas à être ton témoin !

Mario
Dépêche toi !

Mathilda
Ça finit ici, Mario. Je monterai pas !

Les policiers émergent du bâtiment avec à leur tête, Harrisson et Stevens. Ça se corse, mais les radars de Mario l’attirent sur sa droite. Une voiture surgit dont il a juste le temps d’identifier le conducteur… Gomez !

Mario
Couche-toi !

Il propulse Mathilda à l’intérieur de l’auto avant de se jeter sur elle. Une grêle de verre s’abat sur eux dans un tonnerre de coups de feu. Des hurlements. Le canardage se déroule sous les yeux des képis.

Peterson
Nom de dieu !

Des policiers ouvrent le feu sur la voiture assassine qui poursuit son bonhomme de chemin.

Williams
Cessez le feu !

L’escouade des Stups court vers la Chrysler mitraillée. Mario se dégage de Mathilda et se coule jusqu’au siège conducteur. Il met le contact. Mathilda relève la tête, sonnée.

Mario
(en écrasant l’accélérateur) Te relève pas !

Harrisson et ses sbires atteignent la voiture, en position de tir les bras tendus. Au premier crissement de pneus, éclate un feu nourri.
Mario s’abaisse sous son siège.
Une pluie d’impacts désintègre la vitre arrière et bombarde la carrosserie, mais la tire encaisse sans s’arrêter.
Concomitamment à ce ball trap, un camion du SWAT déboule dans l’autre sens, toute sirène hurlante. Le blindé s’immobilise au milieu de la rue. Des tireurs d’élite masqués s’en éjectent et mettent en joue l’équipe de fines fleurs de la gâchette.

Harrisson
(en levant son flingue) Ça va! Ça va! On est de la maison !

Un tireur
(hurlant) Mains sur la tête !!

Harrisson
(beuglant) On est de la DEA, connards ! Vous voulez voir notre plaque !? Votre client vient de vous passer sous le nez !

130. Ext. Jour. Commissariat.
Des grappes de flics en uniforme sautent dans leur voiture. Williams avise Peterson de son plan d’action.

Williams
Passez son signalement au central 13. Il faut le stopper, mais je veux pas qu’on fasse courir le moindre risque à l’otage! (en fusillant du regard Harrisson) J’aurai deux mots à lui dire, à ce propos, à cet enfoiré!

L’inspecteur se garde leur chaude discussion pour plus tard, devant parer aux priorités. Il monte dans une voiture de patrouille, côté passager.

131. Int. Voiture.
Mario roule dans les rues de Manhattan. Sa passagère relève la tête, blanche comme un cachet. Cependant ses couleurs font très vite leur retour, chaudes comme la braise de la colère. Sans crier gare, elle passe ses nerfs sur Mario en le martelant de claques.

Mathilda
(hurlant) Mais qu’est-ce que je t’ai fait, hein ! Mais qu’est-ce que je t’ai fait !

Mario
(en essayant de garder sa ligne de conduite) Arrête !

Mathilda
Tu veux nous faire crever ! Pauvre con !

Mario
T’étais morte en sortant ! C’est trop te demander un peu de reconnaissance?

Mathilda
(en se calmant) Quoi?

Mario
Gomez savait où t’attendre pour faire un joli carton ! C’est un hasard, d’après toi?

Mathilda
Il a pu te suivre !

Mario
Non, il m’a pas suivi. J’ai pu te tracer grâce au GPS de ton téléphone. Gomez n’a pas tes coordonnées, du moins il n’en a pas besoin. Il est informé de l’intérieur, certainement par Harrisson.

Mathilda
(en passant une main sur ses cheveux) C’est pas possible !

Un choc violent à l’arrière ébranle la voiture.

A fond la caisse (fin)

VASSEUR
C’est moi qu’ils cherchent. La bigote m’a balancé.

LAROCHE
Ils nous cherchent tous les deux… (arrivé à la voiture) Vite vite, démarrez comme vous avez fait, avec les fils de contact !

VASSEUR
( dépressif) Non

LAROCHE
Quoi, non? Mais j’ai Sylvette au cul !

VASSEUR
Je reste là… Je suis bien là.

LAROCHE
Vous voulez repartir en taule c’est votre problème, moi je veux pas retourner en couple !

Laroche lui prend son pistolet et le braque avec.

LAROCHE

Démarrez cette bagnole!

Les policiers alertés par les cris et voyant Laroche avec une arme, dégainent à leur tour.

UN FLIC
Lâchez votre arme !

Laroche lève les mains en l’air.

int. PÉNOMBRE. UNE CELLULE

Laroche est allongé sur un lit couchette, en train de lire. Un cliquetis de clés, la porte de la cellule s’ouvre. Apparaît un gardien.

MATON
Laroche ! Visite !

LAROCHE
(l’air paniqué) Non! S’il vous plait !Dites lui que je suis malade !

MATON
Arrête tes manières, tu vas venir au parloir comme tout le monde !

EXT. LA CELLULE

Les hurlements de Laroche raisonnent dans tout le couloir. Deux gardiens sortent de la cellule. Ils n’étaient pas de trop pour en extraire le prisonnier.

LAROCHE
(se débattant) Nooooon !

UN MATON
(commentant)Ben dis donc, c’est le grand amour avec sa greluche!

int. LE PARLOIR DE LA PRISON

Laroche et sa femme Sylvette se parlent par vitre interposée.

SYLVETTE
Tiens bon, François, il ne te reste plus que deux semaine. Pépite t’attend, tu sais. Elle perd beaucoup son poil, le stress de ton absence. Madame Dubreuil me demande de tes nouvelles. Nous referons des soirées bridge avec elle, à ton retour ! Oh, et puis j’ai hâte de refaire les magasins avec toi ! François, nous allons reprendre notre vie d’avant !

« Notre vie d’avant ! » Les mots résonnent à coups redoublés dans la tête de Laroche, lequel grimace une moue accablée.

SYLVETTE
Quelle idée t’as eu d’avoir voulu aider un gangster ! C’était vraiment chercher des histoires !… Enfin, nous serons bientôt de nouveau réunis.

int. COULOIR DE LA prison

Vasseur tient en otage un homme habillé en robe d’avocat, un culot d’ampoule brisé pointé vers sa carotide.

AVOCAT

(articulant)Laroche, vous aggravez votre cas!

VASSEUR
Tais-toi et avance…

Des matons accourent, alertés par l’agitation des détenus excités par les événements. Le détenu les tient à distance.

VASSEUR
Vous me laissez sortir ou je lui taille un joli sourire ! C’est clair?

AVOCAT
(affolé) Faites ce qu’il vous dit !

Les gardiens s’écartent.L’homme et son otage passent une porte coupe-feu. De l’autre côté de celle-ci, c’est le barouf dans les cellules. La raison? Une deuxième prise d’otage est en train de se jouer. Laroche tient un gardien sous la menace d’un morceau de verre.

LAROCHE
(entouré de gardiens) ‘tention, n’approchez pas, je rigole pas !

Il voit débouler Vasseur et son otage.

LAROCHE
Mais c’est Alexandre !

VASSEUR
(stupéfait) Laroche? Mais qu’est-ce que tu fous?

LAROCHE
Les grands esprits se rencontrent! On a pensé à une évasion le même jour !

VASSEUR
Mais je rêve ! Mais quel con ! T’en avais que pour deux mois, toi!

LAROCHE
Sortir pour retrouver Sylvette! Je préfère encore le maquis !

Le directeur de la prison accourt

DIRECTEUR
Vasseur ! Laroche !Vous ne sortirez jamais d’ici ! Relâchez les otages !

VASSEUR
(aboyant)Dégagez la route ou on les découpe !

Le directeur marque une hésitation avant de signifier l’ordre aux gardiens de s’écarter. On voit les deux preneurs d’otage prendre la direction de la sortie du couloir tout en se parlant, comme si de rien n’était,

VASSEUR
(à son acolyte) Que ce soit clair, on sort mais, une fois dehors,je veux pas t’avoir dans les pattes…

LAROCHE
Vous allez avoir besoin d’un chauffeur.

VASSEUR
T’es un danger public! Je préfère encore prendre le bus.

LAROCHE
Alors je vous ferai à manger. Je fais des bons petits plats… Sylvette, elle savait pas cuisiner.

VASSEUR
(en soupirant)Tu pouvais pas t’évader demain ?

LAROCHE
Soyez pas ronchon ! On forme pas une belle équipe, maintenant?

(Le son de leurs voix diminue peu à peu.Fondu noir tandis que les deux hommes disparaissent vers un avenir fort incertain.

FIN