BREF, je voudrais écrire un roman

Bref,

J’étais avec Marla. Je finissais le niveau 35 de Warcraft III. Elle m’a dit :
-Tu verrais le roman que je lis, Bétail intime, journal d’une conne qui se soigne. Ça parle d’une ingénue amoureuse d’un écrivain un peu ours… Un écrivain, quoi.
Je lui ai dit (concentré) : Hmmm
Elle m’a dit (soupirant) : un écrivain solitaire et inaccessible, c’est trop romantique
Je lui ai dit (à fond dans sa partie) Hmm
Elle m’a dit: L’auteur c’est Solène Vosse. Elle a écrit aussi Le T-shirt blanc.
Je lui ai dit : A propos de t-shirt, je t’ai mis le mien à laver, il pue
Elle m’a dit: T’es qu’un con.

Bref, elle s’est tirée

Je me suis dit que pour la reconquérir, je devais devenir
Inaccessible.
J’ai coupé mon portable (il scie la coque du téléphone)… en deux.
Et surtout écrivain
Je me suis mis au travail. Il me fallait une idée géniale.
J’ai pensé au temps que je gagnerais si je pouvais me faire livrer une idée à domicile.
(ça sonne à la porte de l’appartement. Sur le palier, un type habillé en livreur de pizza.)
Lui : Votre idée géniale, monsieur.
Moi (en soulevant le couvercle) C’est du réchauffé ! remportez-là !
(il claque la porte)

J’ai cherché l’inspiration dans l’actu (il surfe sur le net) il me fallait un sujet fort : le Mali (Non) les plans sociaux (Non), les scandales alimentaires (Non), un charpentier se lance dans le commerce d’objets sexuels en bois (Oui )
Je tenais mon sujet. Le roman allait s’ouvrir sur une scène d’amour de 10 pages entre le charpentier et sa femme… 10 pages ? Je tiens déjà à peine 5 mn, alors 10 pages !…
Retour au point de départ. Y a rien d’écrit mais ma copine a quand même tourné la page !
Je me dis que mon imagination a besoin d’oxygène. Pourquoi pas un tour à la campagne ?
Plus une goutte d’essence dans ma Smart. Un con m’a siphonné tout le réservoir ! J’ai fait le point. J’ai plus de pétrole… et toujours pas d’idées.
Tant pis pour la campagne, je vais marcher en ville, me nourrir de ce que je vois.
Un avion de ligne dans le ciel. Je me demande : Peut-on considérer qu’une hôtesse là-haut pousse son chariot de repas à 800km/h ? Combien sont en train de se poser la même question au même moment que moi ?
J’ai flâné 34 mn, inhalé 13,25 litres de gaz d’échappement, évité 25 souvenirs canins dont la moitié encore frais. 1 chien a marché dedans…
(Le chien traverse, une voiture pile à deux centimètres de lui. Coups de klaxons furieux d’une auto derrière.)
… ça porte bonheur.
Il y a eu 64 coups de klaxons, huit piétons ont traversé hors des clous.
(Le bonhomme rouge est à l’arrêt. Un homme traverse. Le voyant change pour montrer un bonhomme en train de courir. Surprise du piéton. Mugissement de moteur, le piéton pique un sprint, paniqué, jusqu’à l’autre rive.)

36 boutiques et 14 affiches publicitaires (Saint Valentin), m’ont rappelé que les humains vont par deux. Que l’amour se conquiert à coups de billets doux (d’abord) de billets verts (après).
Je suis entré dans une librairie. Partout des romans. Je me suis dit : comment trouver ma place là dedans? Faire comme dans le métro, jouer des coudes (JE s’imagine revenir une fois publié. S’arrête devant une tête de gondole consacrée à un auteur best seller. Des coups d’œil autour de lui. Balaie tout le rayon du plat de la main pour installer ses livres à la place, genre Harlequin: « la Passion du désir » par JE) Ou rester sur le quai. (posté à l’entrée de la librairie, il vend ses exemplaires sous le manteau. Un libraire sort de la boutique et le chasse d’un geste de la main)
(Retour à la réalité. JE feuillette un exemplaire du T Shirt Blanc de Solène Vosse. Une jeune femme tout à fait charmante l’aborde.)
Elle : Oh, vous connaissez cette auteur ? J’ai tous ses romans !
Lui : Si… Si je connais ? Ah, mais bien sûr ! D’ailleurs j’écris des romans comme elle, sur les mystères de la passion.
Elle : Oh, vous écrivez ! J’ai tellement d’admiration pour ceux qui écrivent !
On… enfin Elle a parlé littérature. Au détour d’un Guillaume Musso je lui ai demandé : Vous avez un 06 ? Elle m’a dit : « J’ai pas de portable. Et vous ? – J’en ai un (grimace tandis qu’il se rappelle avoir scié son téléphone)… enfin, plus vraiment! Je suis un écrivain inaccessible.

Bref on s’est quittés. Elle m’a promis de me recroiser… à l’improviste.
Je suis rentré, toujours célibataire, toujours sans idées. J’ai ouvert un roman de Solène Vosse. Je vais lui piquer ses idées.
Bref, je voudrais écrire un roman.