Des bonbons ou un sort ! (1)

C’est le soir d’Halloween et pour l’occasion je me suis déguisé en vampire. Au début je voulais être un loup-garou mais c’est pas une nuit de pleine lune, or un loup-garou ne sort qu’à la pleine lune, dans la légende ils sont stricts ! J’ai donc enfilé un pyjama noir et revêtu une grande cape sombre.
L’ennui c’est que mes dents riquiqui ne font pas honneur au Prince des Ténèbres, Alors je vais demander une solution à Maman. Je la dérange dans la salle de bain en plein maquillage pour Halloween. Son masque sur le visage c’est pour faire peur, même si elle me soutient que c’est pour lui rendre la peau plus belle. Moi je veux faire hurler les gens et, quand je vois son état, elle m’apparaît être la plus à même à me conseiller.
« Je veux être un vampire mais j’ai pas de canines, je lui dis.
Elle hausse les épaules, d’un air d’impuissance.
« Débrouille toi Martin, j’ai rien.
-Mais de quoi je vais avoir l’air sans canines ?
-D’un vampire végétarien. »
Non mais où elle a vu que Dracula mangeait des légumes ? J’imagine une ombre menaçante s’approcher d’elle et, au lieu de lui mordre le cou, manger les rondelles de concombres qu’elle se met sur les yeux.
Je suis un bien pâle vampire mais pas encore assez pour Maman qui sacrifie son fond de teint blanc pour me donner l’air plus authentique.
Elle me regarde et se félicite du rendu.
« Là, t’as vraiment l’air fâché avec le soleil. »
Je suis moins convaincu du résultat mais je le garde pour moi, ne voulant pas faire de peine à ma maquilleuse.
Il est 21 heures et mes copains m’attendent à la porte. Maman s’assure que j’ai rempli toutes les conditions pour sortir, autrement dit que ma chambre est rangée et mon lit bien fait. Des corvées indignes de Dracula ! Lui il dort dans un cercueil, ça règle le problème du plumard ! C’est décidé, j’en demanderai un beau, en sapin, pour mon anniversaire.
« Tu rentres pour 22h30 ! me rappelle-t-elle tandis que je dévale l’escalier.
Papa n’a pas voulu laisser mes amis dehors. Il est vrai qu’il ne fait pas une chaleur d’enfer et il a eu pitié d’un pauvre diable à moitié grelottant. Que je vous le présente d’ailleurs, c’est Hugo et il est dans ma classe. Si le diable devait aller à l’école, comme Hugo, il s’assoirait toujours près du radiateur.
A côté de lui, en costume de sorcière, c’est Amélie. C’est une vieille, Amélie, elle a un an de plus que moi. Elle est en CM1 mais elle devrait être en CM2. Comme j’aimerais avoir aussi un an de plus et avoir toute son expérience de la vie ! Amélie elle a peut-être déjà embrassé un garçon. Il y a des rumeurs qui disent qu’elle est sortie avec un p’tit jeune de CE2. Lauréline, une fille de ma classe, l’a traité un jour de couguar, mais je sais pas ce que ça veut dire.
Amélie, elle est rigolote, elle se donne pas des airs. C’est pas Marie Charlotte qui nous suivrait un soir comme celui là ! Elle dit toujours : « Halloween c’est stupide et commercial, et c’est pas correct pour les morts. »
Elle a pas dû trouver ça toute seule, ça vient de ses parents. Ils sont abonnés à la messe du dimanche.
Hugo me regarde avec interrogation et me demande en quoi je suis déguisé.
« En vampire, ça se voit pas ?
-Où elles sont tes canines ?
Je lui réponds que j’ai mangé et qu’à cette heure-là je n’ai plus les crocs. A mon tour je lui fais remarquer qu’un diable normalement constitué a une queue fourchue.
« Il a trop tiré le diable par la queue, elle lui est venue dans les mains ! commente la sorcière.»
Amélie se comprend mais elle est bien la seule.
« C’est une expression, explique-t-elle en voyant notre air idiot. Tirer le diable par la queue ça veut dire n’avoir plus d’argent.
– Mes parents ils ont des sous ! Tais-toi au lieu de dire n’importe quoi ! s’emporte Hugo. »
Amélie lui répond que c’était de l’humour. Le malentendu se dissipe et nous nous mettons en route pour la tournée de bonbons.