les vacances à la mer (1)

1. EXT. JOUR. UN PAVILLON DANS UN LOTISSEMENT.

Une famille en pleine effervescence, quelques minutes avant de prendre la route des vacances.

voix off

Ah, les vacances. La mer, le soleil, les mouettes ! Toute l’année, cette famille de Français moyens a rêvé ce moment. Larguer les amarres, s’extraire des remous du monde moderne pour partir loin, très loin ! Voici le grand jour du départ arrivé. Tout le monde est prêt? Ah, non, on dirait…

Sur fond de voix off, deux enfants, un garçon et une fille, entre 5 et 8 ans, François et Manon, en train de se courser sur la pelouse en hurlant. Véronique, la mère, entasse un monceau de bagages devant la porte que Didier le père s’efforce à caser dans l’auto, une Coupé familiale. Trois énormes valises auxquelles viennent s’ajouter deux caisses remplies de babioles et d’ustensiles. Le coffre est déjà plein, ce que Monsieur fait pertinement remarquer à Madame.

DIDIER

Mais ça va pas rentrer tout ça !

VERO

Il va bien falloir pourtant !

DIDIER

Je t’ai pas demandé de vider toute la maison ! Regarde tout ce qui reste encore… C’est une Espace, pas un semi-remorque !

VERO 

Oui ben t’es obligé de prendre ta guitare? Et ta télé portative tu crois que c’est nécessaire?

DIDIER

Ça va, ça prend moins de place que tout ça. Non mais ils ont besoin de tout ces jouets? On va à la mer, la mer ça suffit à s’occuper !

VERO

Et s’il pleut et qu’on reste au camping? Tu y as pensé?

DIDIER

Mais y a la télé !

MANON

(s’impatientant) Papa ! Maman! On part quaaaaand?

DIDIER

(en chargeant une valise) Bientôt les enfants.

François a attrapé un lézard qu’il agite devant le visage de sa petite soeur.

MANON

(recule en hurlant)Papaaaa! François, il a un gros lézard! Il veut me le jeter !

VERO

François ! Tu laisse ta soeur tranquille où on t’arrête chez Tata Mireille !

FRANÇOIS 

(épouvanté)Non ! Pas Tata Mireille ! Elle piiiique !

2.INT. VOITURE.

Tout le monde est à bord.

DIDIER

Bon, vous n’avez rien oublié? (à sa femme) T’as bien tout fermé?

VERO

Oui.

DIDIER

Le gaz…

VERO

T’as vérifié au moins 10 fois. Allez, mets les gaz.

LES ENFANTS

(en choeur) La mer ! La mer !

DIDIER

(à sa femme) Tiens, en parlant, tu lui as rappelé à ta mère pour le chat?

VERO

Mais oui, elle passera le nourrir. Je lui ai demandé pour les plantes aussi.

La voiture roule cent mètres lorsque Manon commence à réclamer sa poupée.

VERO

Elle est dans le coffre, ta poupée. Tu la reprendras quand on s’arrêtera.

MANON

Mais j’la veux maintenant! J’veux ma poupée ! Ma poupée !

DIDIER

On t’a dit non !

VERO

Loulou, arrête-toi parce qu’elle va nous faire une scène.

DIDIER

Sûrement pas ! Je suis parti.

La petiote pousse un hurlement hystérique. La voiture pile net. Véronique descend chercher la poupée.

DIDIER

(en pensant tout haut) Y a pas que la voiture à avoir du coffre !(en se tournant vers son fils à l’arrière) Bon, et toi, tu veux quelque chose? Parce que c’est le moment ! Je vais pas m’arrêter continuellement.

FRANÇOIS

Ça va, j’ai mes coloriages.

DIDIER

Oui c’est bien ça, tant que tu colories pas ta soeur.

voix off

La route du soleil nous semblerait sereine et fluide si nous n’étions pas des milliers à migrer en même temps !…Ou donc? Vers notre coin de plage, notre carré de camping, notre cabane au milieu des alpages, notre île déserte, n’importe où pourvu de rompre avec le stress et la frénésie urbaine.

3.EXT. UN BOUCHON SUR UNE NATIONALE

Nous suivons toujours notre petite famille qui prend son mal en patience.

VOIX OFF

Certes, voilà qui peut rappeler la transhumance journalière dans les grandes villes, mais l’ambiance n’est pas la même. Nous ne courons plus après le temps…

4. INT. VOITURE

Didier tapote du doigt sur la portière,l’expression agacée.

DIDIER

Faut qu’on soit à 18h au camping ! On y sera jamais !

voix off

Nous sommes cool, relax/

DIDIER

Ça m’énerve ! Chaque année c’est pareil!

VERO

Et bien mon chéri, l’année prochaine tu n’auras qu’à prendre tes vacances d’été en automne.

MANON

Maman, faut que j’aille aux toilettes !

VERO

Très bien, on descend. François, pipi?

FRANÇOIS

(occupé à dessiner) Non.

VERO

(en se retournant) C’est quoi ton dessin, mon lapin?

FRANÇOIS

(sans lever les yeux de son chef d’oeuvre) La mer.

VERO

Mais elle est toute noire ta mer!

FRANÇOIS

C’est la pollution. Regarde, j’ai fait des dauphins morts.

VERO

(en regardant son mari)Je sais de qui il tient pour avoir des idées aussi morbides.

(elle descend avec sa fille)

5. INT. VOITURE

3 heures plus tard s’affiche en bas de l’écran.

VERO

Les enfants, qui veut chanter avec moi?

MANON

Moi !

VERO

(en imitant la gestuelle de Chantal Goya) Ce matin un lapin a tué un chasseur, c’était un lapin qui, c’était un lapin qui, avait un fusil !

Didier s’écroule la tête la première sur le volant, atterré.

VERO

François, arrête un peu tes dessins et chante avec nous.

FRANÇOIS

(entonnant) Le curé de Camaré a les sacoches qui pendent et quand il s’assoit dessus ça lui rentre dans le cul.

VERO

(outrée) François ! Qui t’a appris ça?

FRANÇOIS

Ben papa. Et j’en connais d’autres.

VERO

(à son mari) Bravo Didier. Très malin de lui rentrer des bétises dans la tête.

DIDIER

Oh, c’est pas pire que ton lapin qui tue des chasseurs.

FRANÇOIS

(poursuit dans la foulée) J’ai la quéquette qui colle, j’ai les bonbons qui font des bonds.

VERO

François ! Tu veux une claque !

Elle asséne un regard noir à son époux qui se dédouane d’un air innocent.

DIDIER

Ah, pour celle là je suis pas responsable.

voix off

Quand enfin, tel la vigie du Santa Maria criant: « Terre ! Terre ! »…

FRANÇOIS

La mer! On voit la mer !