Le ton monte

 

Atelier d’écriture : Rédigez un bref dialogue dont le ton monte crescendo.

En cette première quinzaine de juillet j’ai choisi le commentaire sportif d’une étape du Tour de France. Accrochez-vous au guidon.

 

Patrick : Échappée de Dédé Railleur à dix kilomètres de l’arrivée !

Robert : Nous allons peut-être avoir un Français en jaune ce soir.

Patrick : Dédé qui est originaire du Limousin. Nous saluons au passage nos spectateurs limousins et les limousines.

Robert : Celles avec les vitres teintées ?

Patrick : Non, je parlais des vaches, Robert.

Robert : Dédé est en train d’accomplir un véritable exploit ! Lui qui, hier encore, était 5e au classement général !

Patrick : 5e en partant de la fin, précisons-le Robert. Ah ! Il y a Franck notre consultant en histoire qui voudrait intervenir.

Franck : Oui messieurs, j’attire votre attention sur cette charmante église de ce charmant village que traversent en ce moment nos coureurs. Ici, à Mont Vert, le temps s’est arrêté !

Patrick : Ah ? Les habitants y vivent comme autrefois ?

Franck : Non, c’est simplement que l’horloge de l’église est en panne.

Robert : Je vous coupe, Franck, nouvelle accélération de Dédé Railleur ! Il prend littéralement le large !

Patrick : Oh, mais Tanguy Dondetravers n’a pas encore dit son dernier mot ! Le Belge attaque à son tour, profitant de l’aspiration de son concurrent ! C’est un duel au sommet comme seule la Grande Boucle peut en offrir !

Robert : Au sommet ? C’est une étape de plaine.

Patrick : Mon cher Robert, ne prenez pas tout au pied de la lettre.

Franck : Alors si vous me permettez cette transition épistolaire, j’ai en ma possession une véritable lettre de cachet.

Patrick : Du roi de France ?

Franck : Non, du pharmacien du village de Mont Vert qui délivre à tour de bras des cachets d’aspirine.

Patrick : Passionnant, Franck… Oh, mais voilà que Dédé et Tanguy se trouvent maintenant au coude à coude ! A 8 kilomètres de l’arrivée tout peut encore se jouer, quel suspense chers téléspectateurs ! Et voyez ces acclamations au bord de la route, Dédé a le public derrière lui.

Franck : C’est le peloton qu’est derrière.

Patrick : Je mettrai ça sur le compte de l’humour, Robert.

Robert : Patrick, regardez, le Belge se fait à nouveau distancer. Une baisse de régime, semble-t-il.

Franck : Tiens, à propos d’Ancien Régime…

Patrick : Plus tard Franck, priorité au sport. Vous êtes en direct sur TF2 et c’est une victoire d’étape qui se dessine pour un Français, sa première en dix participations au Tour.

Robert : Dédé Railleur, retenez bien ce nom ! Moi je me le marque quand même sur un post-it…

Patrick : Regardez cette posture aérodynamique ! Quand l’homme ne fait plus qu’un avec son vélo. Il va chercher la victoire à moins de 10 kilomètres de l’arrivée.

Robert : Tanguy Dondetravers à 40 secondes de lui entend bien défendre sa 2e place avec peut-être encore le rêve de renverser la vapeur.

Patrick : Peu probable Robert… Oh ! Ah la la ! Dédé Railleur a déraillé !

Robert : On dirait plutôt qu’il a crevé… Mais regardez, son directeur d’équipe vole à son secours en moto ! Dédé toujours en selle s’accroche au guidon de son deux-roues pour atteindre la ligne d’arrivée ! La victoire tricolore se dessine !

Patrick : Je vous interromps Robert, on a Laurent en ligne sur la moto n°4.

Laurent : Oui Patrick, mauvaise nouvelle parvenue à l’oreille du directeur d’équipe de Dédé. Tracter son poulain comme il est en train de le faire est strictement déloyal. Dédé est disqualifié !

Patrick (se lamentant) Ah la la la ! Si près du but !

Robert (sur un ton dépité) C’est donc un Belge qui va endosser le maillot jaune. Encore une journée noire pour le sport français !

Franck : Robert, vous connaissez mon sens de l’à-propos, alors si je vous dis la bataille de Pavie ? (pas de réaction) Une défaite française ! Vous avez dormi à l’école ou quoi ? Pavie pas pris ! Quoiqu’en l’occurrence, François 1er a bien été attrapé par les Italiens !

Patrick (excédé) Mais coupez le micro à cet historien de malheur ! Et envoyez la pub pour nous remettre de nos émotions !

Les derniers sont les premiers

LES DERNIERS SONT LES PREMIERS

ou Chronique Cycliste

 

Quelques fervents et pour le moins patients supporters ont ovationné Roland Bin à sa montée sur le podium hier à minuit passé. A 24 minutes du deuxième, en partant de la fin du classement, le coureur de la Team des Lanternes conforte un peu plus sa place d’anti-leader du Tour à l’issue de cette nouvelle étape entre Macon et Saint Etienne.

Son offensive dès les premiers kilomètres en a surpris plus d’un. De mémoire de spectateur, on avait encore jamais vu un cycliste attaquer d’emblée avec une telle hargne, une telle voracité, un chou à la crème.

« Je vais l’emporter ! aurait assuré ce natif de la Saône et Loire au sortir d’un copieux déjeuner.

Mais il parlait uniquement de son dessert ! Rappelons que manger tout en circulant à vélo constitue une infraction à la sécurité routière. C’est à ce titre qu’une gendarme un peu zélé a verbalisé Roland, sans pouvoir lui enlever de points car ce dernier n’en compte aucun au classement.

Hector Tue, autre sérieux prétendant au maillot jaune, a eu bien du mal à suivre celui que la presse surnomme déjà l’Escargot de Bourgogne. Le fait qu’il roulait devant son adversaire rendait à vrai dire la chose difficile.

« Chaque fois que je repassais en queue, il remettait un coup de frein m’obligeant à le doubler, témoigne le challenger. Et de s’incliner avec admiration. Jamais vu un mec aussi lent sur une bicyclette. Franchement, respect !

La vitesse moyenne de Roland Bin (4,3 km/h sur la dernière étape) prête déjà le flanc à de nouvelles suspicions de dopage  alors que le monde de la Petite Reine panse toujours les plaies du dernier scandale. En plein soleil de juillet, plane toujours l’ombre de l’affaire Gaspard Esseux, ce champion exclu de la compétition l’an dernier pour s’être injecté de l’ADN d’Aï et d’oppossum.

En ce qui le concerne Roland se dit serein, et en rien seringue, sur la question des contrôles.

Sans transition, l’étape du jour a été émaillée de nombreuses chutes d’attention chez les supporters dont celle de cette mamie tombée soudain de sommeil au passage de la course. Assise sur une glacière, elle a fini les quatre fers en l’air. Gamelle heureusement sans gravité sinon celle terrestre. Regarder passer le peloton à une vitesse cacochymique constitue une épreuve en soi, il faut bien le dire.

Les mordus de montagne espéraient bien un sursaut de relief pour relever le spectacle. Ils sont restés sur leur faim, les cyclistes ayant demandé une remise à plat du parcours. Avec l’aval de l’organisation du Tour, toutes les cotes ont été transformées en descentes, et vice-versa. Il en sera de même pour les épreuves de montagne.

Un mot concernant les conditions météo. Le titulaire de la tunique jaune a pu profiter d’un vent très favorable de face le ralentissant à merveille. Des farfelus préférant avoir Éole dans le dos ont tourné leur vélo et pédalé en arrière jusqu’à la ligne d’arrivée.

Au programme de demain, un périple entre Saint Etienne et Brioude. Roland Bin entend bien défendre son maillot de meilleur « Sloweur ».

« Personne ne me l’enlèvera, assure-t-il. A part peut-être une jolie fille. »

A bonne entendeuse.

 

RUBRIQUE ANIMALIÈRE (ou merci d’avoir posé la question)

Pourquoi la girafe a-t-elle un long cou ?

 

En des temps fort reculés, la savane africaine était parsemée de petits arbres à portée des herbivores courts sur pattes. La girafe ressemblait en tous points à sa descendante que l’on connait aujourd’hui, même robe tachetée, mêmes cornes, si ce n’est qu’elle avait un cou rétréci. Parmi elles, Sophie faisait grand festin de cette végétation abondante.

Las de se faire grignoter à longueur de journée, les arbres de la savane se réunirent en concile pour mettre sur pied un plan de riposte.

« Gorgeons-nous de poison, proposa un acacia radical. On n’y reprendra plus ces gourmands.

Un vieux baobab trouvait la stratégie un peu basse, voire carrément vicieuse.

« Notre faiblesse c’est notre taille. La nature nous met à l’épreuve ! Ah, si nous pouvions tous en prendre de la graine !

La providence entendit leur prière. Le matin suivant, tous les enracinés de la savane toisaient leurs prédateurs d’au moins trois mètres. Seuls les singes les plus acrobates pouvaient encore atteindre les branches.

« C’est un coup monté pour nous affamer ! protesta Sophie la girafe.

– On n’a plus qu’à retourner se coucher. Après tout, ne dit-on pas qui dort dine ?  philosopha un cheval en pyjama à rayures qualifié de drôle de zèbre.

En s’élevant contre un soi-disant complot, Sophie ne pensait pas en sortir grandie. Or le lendemain, quelle ne fut pas sa surprise de se réveiller avec son col considérablement rehaussé.

Les arbres n’avaient pas prévu ce « cou » là !

La girafe put donc reprendre sa mastication. Plusieurs animaux moins chanceux durent migrer vers d’autres contrées, là où le « cou de la vie » pour manger était moins élevé.