Léo décroche la lune, mini roman

Ceci est une adaptation en mini roman d’un  scénario de ma série Léo. J’aimerais la proposer à J’aime Lire, le magazine que je lisais quand j’étais petit. Le nombre de signes maximum autorisé est de 15000, je dépasse de 200, je vais donc devoir opérer une légère coupe. Ça ne va pas être simple de tailler, mais il n’y a pas le choix ou mon manuscrit risque de passer directement à la trappe. Je ne sais pas si mon histoire peut convenir à J’aime Lire, je verrai bien. J’espère une réponse d’ici 6 mois. N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Vos avis sont précieux.


UNE VOIX DANS LE CIEL

 

            Léo errait dans la cité assoupie. Lui n’avait pas envie de dormir. Enfoncé dans un manteau noir, les mains dans les poches, le petit homme déambulait au milieu des immeubles historiques de Vieille Ville. Son escapade nocturne l’avait amené jusqu’aux vestiges du Château des Ducs et il songeait à rentrer, quand une voix l’interpella.

            « Psst ! Psst ! »

            Il se figea, regarda autour de lui. Personne.

            « Lève la tête ! »

            C’était une voix féminine, très douce et mélodieuse. Léo leva les yeux vers l’immeuble sur sa gauche, pensant que quelqu’un le hélait depuis une fenêtre. Toujours personne.

            « Plus haut ! Beaucoup plus haut ! »

            Il se dévissa la tête à regarder assez haut pour finir par apercevoir la lune. Une pleine lune au milieu d’un ciel dégagé. A la place des taches sombres habituelles, se trouvait un visage humain qui le regardait.

            « Ca y est, tu me vois maintenant ? »

            Léo se tenait bouche bée. Il plaqua une main sur ses yeux, la retira. L’astre était toujours là à le fixer.

            « C’est… c’est à moi que vous parlez ? bredouilla-t-il.

            -Oui, naturellement. A qui veux-tu que ce soit d’autre ?

            -Mais nous sommes des milliards ici !

            -Je sais, seulement je t’ai remarqué. Tu passes de longues minutes chaque soir sur ton balcon à me contempler.

            – Je ne suis tout de même pas le seul!

            – Non, mais vous vous faites de plus en plus rares. Tes semblables préfèrent s’hypnotiser devant des écrans, plutôt que de passer du temps à rêver devant moi. »

            Son jeune interlocuteur lui adressa avec une pointe de reproche.

            -Vous ne seriez pas un peu narcissique sur les bords ?

            – Sûrement, le soleil me l’a déjà dit… Mais il peut parler celui là ! Il s’est pris pour Louis XIV !»

            Léo et sa nouvelle amie décidèrent de poursuivre la discussion dans un endroit plus discret. Rendez-vous fût pris sur son balcon.

 

           ETLA LUNEDESCEND

            Léo n’en revient pas. La lune lui a adressé la parole. Va-t-elle lui révéler ses secrets ?

 

 

            Léo tira la porte-fenêtre qui donnait sur sa terrasse, au cinquième et dernier étage d’une tour. Il chercha la lune, la trouva à la même place dans le ciel.

            « Petit homme, à quoi rêves-tu quand tu me regardes ? lui demanda celle-ci. »

            Le jeune rêveur s’accouda à la rambarde et lui confessa dans un soupir.

            « Je rêve de pouvoir un jour marcher sur vous et faire un golf comme les premiers astronautes ! »

            La lune parût scandalisée.

            « Est-ce que tu parles de ces moustiques qui m’ont confondu avec un terrain de jeux et m’ont planté leur drapeau comme si j’étais à eux ?

            – Vous n’appartenez à personne. Vous êtes à tout le monde.»

            Léo lui retourna la question :

            « Et vous, à quoi rêvez-vous ?

            – Je rêve de voir tout ça d’en bas ! La frénésie humaine, le bruit, la vie qui manque tant autour de moi !

            -Oh, vous êtes à la meilleure des places, croyez moi ! »

            Un point de vue que ne semblait pas partager l’astre de Pierrot.

            « Décroche-moi, Léo ! » lui conjura-t-elle.

            -Quoi ! Enfin, vous me demandez la lune, là ! »

            Mais parce qu’il aimait les défis impossibles, notre héros monta sur le toit de l’immeuble. Il croisa un chat noir qui lui miaula un bonsoir, s’arrêta juste en dessous de la lune. Il sauta à maintes reprises sans parvenir à l’effleurer.

            « Qu’est ce que je vous disais ? Vous êtes trop haute. Il me faut une fusée !

            -Monte sur une cheminée. »

            Léo s’exécuta. Juché sur la pointe des pieds, il allongea au maximum le bras et les doigts, sans plus de succès. Il réfléchit alors quelques secondes en se caressant le menton.

            « J’ai peut être une idée. »

            Il retourna à l’intérieur de la tour, réapparut quelques minutes plus tard avec un débouche évier au moyen duquel il ventousa la lune. Il tira tant et si bien qu’il parvint à l’extraire de la voûte céleste dans un « Plop ! » d’air. Ce fût plus délicat de lui ôter la ventouse du visage. Il prit appui sur la sphère avec ses deux jambes et tira très fort. Il partit en arrière, en même temps que le caoutchouc cédait et atterrit les quatre fers en l’air.

            « Est-ce une façon de traiter Sa Majesté la lune ? protesta cette dernière. Tu m’as fait mal !

            – Vous vouliez que je vous descende ! lui rétorqua son Pierrot en massant son derrière. »

            Il contempla le satellite dont le diamètre ne dépassait pas un mètre.

            « C’est curieux, je vous voyais plus grosse que ça !

            – C’est vrai que j’ai perdu du poids. A courir autour dela Terre12 fois par an depuis 4 milliards d’années, on fond énormément. »

            Léo entendait traiter la lune comme son hôte.

            « Je vais vous montrer mon appartement. »

            Il la roula délicatement jusqu’à l’escalier. Hélas, arriva ce qui devait arriver au moment de descendre. Sa Majesté lui échappa tout à coup des mains et se mit à dévaler les marches, rebondissant comme une balle. Tout en bas, un ivrogne avait entrepris l’ascension du premier étage. Ce dernier eut juste le temps de se garer pour ne pas être happé par la boule folle qui termina sa course contre la porte cochère de l’immeuble.

            « La lune dans l’escalier ? Il faut vraiment que j’arrête de boire, grommela l’alcoolique avant de reprendre la montée des marches. »

 

            LE VOLEUR DE LUNE

            Léo a pu décrocher la lune. Pour celle-ci,  la Terre n’a plus le même visage, vue d’en bas.

 

            Quand il eût poussé la lune jusqu’à son canapé, Léo se dit qu’il pouvait enfin souffler.

            « Ouf, ça n’a pas été sans mal, reconnut-il en s’épongeant le front.

            -A qui le dis-tu ? grommela la lune, marquée par sa chute. »

            Il se dirigea vers son mini bar, proposa un rafraîchissement à son invitée

            « Je ne bois ni ne mange. N’oublie pas que je suis un astre.

            -Ah ? C’est dommage… Je parie que vous n’écoutez pas de musique non plus.

            -Oh si, j’écoute le chant des étoiles. Il me parvient du plus profond de la galaxie, mais j’ai l’ouie fine. C’est un bonheur permanent ! »

            Léo fouilla dans ses disques.

            « Je n’ai pas ça, mais j’ai un tas d’autres trucs pas mal aussi ! Vous avez inspiré nos plus grands chanteurs, vous savez ? »

             Il fît jouer une chanson sur sa chaîne, intitulée « Fly Me to the moon »

            « Ca  swingue plus que les étoiles ! sourit la lune, conquise.

            Léo effectua quelques pas de danse maladroits.

            « Ah, si j’avais des jambes ! soupira son amie. Dans le ciel je suis si légère, si aérienne, tandis qu’ici je me sens tellement pesante ! »

            On sonna à la porte. Léo ouvrit à deux hommes en uniforme.

            « Police, nous enquêtons sur un vol. On a dérobé la lune.

            -C’est pas vrai ! s’exclama notre héros, mimant l’étonnement.

            -Si, pourtant, confirma un agent. Un astronome amateur l’observait au télescope quand il l’a vu se faire aspirer.

            -Par un trou noir ?

            – Non, par un débouche évier.

            -Il a fait une description du voleur ? »

            Un policier lui présenta une feuille où figurait un portrait robot. Léo s’identifia sans mal.

            « Vous le reconnaissez ? demanda un agent.

            -Non, jamais vu ce gars là.»

            Son collègue regarda à son tour le dessin et dévisagea Léo avec insistance. Comprenant qu’il était en train de faire le rapprochement, le voleur referma la porte et tira le verrou. Les policiers tambourinèrent.

            « Au nom de la loi, ouvrez ! »

            Léo asséna un regard de reproche à son joyau d’argent.

            « Bravo, ils croient que je vous ai enlevée ! A cause de vous, je suis dans un sacré pétrin!

            Les coups redoublés auraient bientôt raison de la porte. Il vint alors une idée à notre ami.

            « Dame Lune, mettez vous en croissant !

            Cette dernière objecta que c’était impossible pour la simple raison qu’elle devait s’en tenir au calendrier. Cette nuit n’était pas une nuit de croissant.

            « Je vous en prie ! implora Léo. Dans quelques instants, ils auront réussi à entrer pour me jeter en prison ! »

            Devant ce cas de conscience, la lune consentit finalement à faire des efforts. Elle rentra en concentration jusqu’à ne plus dessiner qu’un sourire. Léo souleva le croissant, le transporta jusqu’au balcon. La porte céda à cet instant aux coups de boutoir des assaillants.

« Voleur! Tu ne nous échapperas pas ! hurlèrent-ils.

Le jeune homme escalada la rambarde du balcon, enfourcha sa banane de lumière en se cramponnant avant de s’élancer dans le vide. Son embarcation chuta avec douceur, comme une feuille. Les policiers, du haut du balcon, regardèrent s’échapper leur proie.

 

LA NUITDEVANTNOUS

Accusé d’avoir volé la lune, Léo est parvenu à échapper aux policiers.

 

            Léo longeait les quais dela Sarthe, tenant dans les bras sa lune échancrée. De temps à autre, il se retournait pour s’assurer que personne ne le suivait.

            « Ou allons-nous maintenant ? demanda le croissant.

-Je n’en sais rien. Je suis un fugitif à présent.

            Je suis désolée, je sais que tout ça est arrivé par ma faute. Remet moi ou tu m’as trouvé, et tu seras tranquille. »

            Mais Léo ne l’entendait pas de cette oreille.

           « Pas tout de suite. Vous rêviez de voir tout ça d’en bas. Vous n’avez encore rien vu ! Moi non plus… Le Taj Mahal, les Pyramides de Gizeh,la Grande Muraille que vous apercevez de là haut, dit-on.

            Oh, avec peine maintenant. Ma vue baisse avec l’âge.

            -On fera du stop, on montera en clandestins à bord des bateaux ! La grande aventure ! »

            Léo nota avec réalisme que la nuit ne suffirait pas pour un programme aussi chargé.

« Léo, quand se lèvera le jour, je disparaîtrai !

            -Ce n’est pas grave, vous réapparaîtrez la nuit prochaine ! Je n’aurai qu’à lever la tête.

-Mais il te sera plus difficile de me décrocher. Les hommes, dès qu’ils me verront revenue, s’empresseront de me sceller au ciel afin que  plus jamais on ne puisse me voler ! Je leur appartiens !

Un problème n’en restait jamais un longtemps avec Léo. »

            « Alors, s’il le faut, j’engagerai des perceurs de coffre. »

            Il ignorait si les trois types qui marchaient vers lui en faisaient leur spécialité. Une chose était sûre, à leur look d’affreux jojo, ils ne devaient pas œuvrer pour la charité. Léo tenta de dissimuler la lune sous sa veste. Hélas, celle-ci dépassait de part et d’autre de son vêtement.

Les loubards se déployèrent devant lui. Il tenta d’esquiver le mur sur la gauche, mais se trouva bientôt encerclé.

            « Qu’est-ce que tu caches là dessous ? lui demanda le chef, un véritable épouvantail à la tête rasée et aux dents en or. »

            Sa victime ne soufflant mot, il alla chercher lui même la réponse en écartant les pans de sa veste.

            « Regardez ça ! s’exclama-t-il. Ce type a chapardé la lune !

            -J’allais la rendre, mentit Léo.

            Le tondu ricana, découvrant une rangée de dents aussi luisantes que son crâne.

             «Il va la rendre, répéta-t-il, prenant à témoin ses complices.

-Il va nous la rendre! rectifia un autre loulou avec un sourire bête.

-On peut se faire des millions en la revendant ! rêva le troisième de la bande.

            Léo  opéra alors une trouée dans le cercle.

            « Rattrapez-le ! ordonna le meneur qui voyait s’enfuir son butin.

            Léo courait aussi vite que possible sur le quai désert, mais sentait déjà ses poursuivants gagner du terrain.

            « Vous flottez ? demanda-t-il à son amie.

            -Comment veux-tu que je le sache ? »

           Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir. Le petit homme escalada le parapet de la berge. Trois mètres plus bas, la rivière se parait des couleurs blafardes des réverbères. Il tourna la tête vers ses détrousseurs qui l’avaient presque rattrapés. Les dés étaient jetés. Son plongeon résonna dans le silence du quai.

            « Ah non alors, quel égoïste ! protesta un voyou en arrivant devant la rambarde.»

Scrutant les eaux, les trois gredins virent des remous, puis une lueur remonta vers la surface. La lune émergea.  Réapparu quelques mètres plus loin, Léo nagea jusqu’à elle et se hissa sur sa corne d’argent.

« Hé ! Ramène-toi un peu ici ! »

Léo rama avec ses bras pour s’éloigner de la berge. Il n’entendit bientôt plus les vociférations de ces sinistres oiseaux de nuit.

 

                    JE T’OFFRELA LUNE

            La lune a suscité la convoitise d’une bande de voyous. Pour leur échapper, Léo a été contraint de plonger dans une rivière.

 

            Agrippé à la corne lunaire comme au bastingage d’un navire, Léo, grelottant, se remettait de ses émotions.

            « Tu as froid? lui demanda son frêle esquif.

            -Oui, mais vous  me réchauffez… Mieux que mille couvertures ! »

             Ils dérivaient tout les deux dans le silence de la ville endormie.

            « Le ciel est vide sans vous, proclama le jeune marin en levant les yeux. Des milliers d’étoiles pourraient briller, il semblerait tout aussi vide.

-Dis-toi que c’est comme ces nuits nuageuses où je reste invisible.

– Ce n’est pas pareil… Je sais que vous êtes là, derrière le rideau. Un bon coup de vent, et vous êtes démasquée … Vous vous dévoilez intégralement ou n’offrez qu’une parcelle … jouant à cache à cache avec nous. »

La lune lui sourit.

           « Ils peuvent toujours me chercher à l’heure qu’il est. »

            Léo imagina le désarroi des humains, privés de leur lanterne ancestrale. Cette veilleuse qui avait assisté à leurs premiers pas, et tous leurs faux pas.

           «  Oh, crois-moi, lui avoua l’astre. Il y a bien des fois où j’ai préféré fermé les yeux. »

           Des sanglots attirèrent l’attention du navigateur. Une jeune femme se tenait assise sur un escalier qui descendait à la rivière. Léo mit cap vers la berge, accosta au bas des marches et monta à sa rencontre. La femme était prostrée, ses longs cheveux blonds cachant son visage qu’elle gardait enfouie contre ses genoux repliés contre son corps.

            « Ca ne va pas ? »

            « Fichez moi la paix, reçut-il comme réponse. »

            Léo se sentit penaud.

            – J’étais en train de naviguer quand j’ai entendu pleurer. Mais excusez-moi de vous avoir importuné. »

            Il redescendait l’escalier quand sa voix raisonna à nouveau, gorgée de chagrin.

            « Pardonnez-moi… Je suis désolée. Je suis à bout… »

            Léo se retourna, la regarda quelques instants en silence. Elle avait un visage rond, très joli, ses cheveux étaient roux comme un renard.  Elle ôta ses lunettes, essuya les larmes d’un revers de la main. Elle ébaucha un sourire tandis que son chagrin se poursuivait en coulisses, au fond de son coeur.

            « Ou avez-vous garée votre péniche ? demanda-t-elle à Léo.

            -Ma péniche ?… Ah oui, ma péniche ! »

            Il dévala les marches, sortit la lune de l’eau avant de l’égoutter.

            « Ca n’effacera pas votre peine, mais j’ai pensé que ça pouvait vous faire plaisir, dit-il à la jeune femme en lui tendant le croissant.

            -La lune ! s’exclama-t-elle. Ben vous alors ! Vous êtes le premier qui me l’apporte sans me l’avoir jamais promise ! »

            Claire avait trouvé son Pierrot. Il ne lui prêta pas sa plume mais une oreille si réconfortante à tous ses malheurs. Et tandis qu’ils se parlaient tous les deux,la Lunese dit que le temps serait bientôt venu pour elle de regagner le ciel, avant le retour du soleil.