1. EXT. SOIR. UN CABINET MEDICAL
Un homme sort du cabinet, ferme la porte à clés, et part avec son attaché case. Il stoppe au bout de quelques mètres, pose sa mallette, prend le temps d’attacher les boutons de son long manteau noir. L’homme est jeune, la trentaine, les traits tirés par une journée de consultations. Il reprend sa marche, la tête dans ses pensées. Tout à coup une voix l’interpelle.
VOIX
Paul ! Paul !
Le dénommé Paul se retourne, intrigué. Une silhouette se dessine dans la pénombre déchiquetée par la lueur des réverbères.
PAUL
Laurent?
Apparait un type, jeune aussi,la dégaine effrayante. Il est maigre, pas rasé, épouvantablement pâle.
LAURENT
(la voix tressaillante) J’ai besoin de toi, frérot !
Paul le dévisage en silence, le regard austère, et répond sur un ton acide.
PAUL
Ah bon, j’ai un frère maintenant?
LAURENT
Ecoute Paul, j’ai fait une sacrée connerie. C’est la vie d’une femme qu’est en jeu. Y a qu’toi qui peut m’aider!
PAUL
(sourcils levés) Quoi? La vie d’une femme en jeu? Alors appelle les pompiers, le SAMU… !
LAURENT
Non, non, j’peux pas !
PAUL
Ah bon, tu peux pas? (sur un ton détaché) Ben moi non plus, j’peux pas. Bon vent !
LAURENT
(en le rattrapant)Elle a reçu une balle! Tu comprends ! Je peux pas l’emmener, on va avoir qu’des emmerdes !
PAUL
Ca, fallait y réfléchir avant ! Quand on fait le con, on assume.
Paul commence à s’éloigner.
LAURENT
Mais elle, elle a rien demandé ! Paul, si tu fais rien elle va mourir ! Et ce sera de ta faute !
Paul se retourne.
LUI (visage sombre )
Elle est où ?
LAURENT
Dans ma voiture, viens.
Paul suit son frère en se demandant s’il fait le bon choix ou pas, mais il est médecin et a fait le serment de soigner son prochain.
2. EXT. SOIR. VOITURE
Le docteur découvre sur la plage arrière une jeune femme ensanglantée, se tenant le ventre. Tout en la palpant, Paul fronce les sourcils et ne peut contenir longtemps sa réserve.
PAUL
Mais qu’est-ce qu’y s’est passé? Bordel, dans quoi tu t’es fourré ! Je regrette, moi j’appelle les flics !
LAURENT
Non ! Si tu fais ça, on est morts tous les trois !
PAUL
Ben en ce qui te concerne, ce sera pas une grosse perte !
Fou de rage, Laurent saisit une pierre et la balance dans la tempe à son frère qui s’écroule, inconscient.
LAURENT
Fumier, va !
Il fait les cent pas quelques instants, de la panique dans le regard, déjà empli de remords à propos de son geste épidermique. Il retourne délicatement son frangin, et l’installe sur la banquette avant de la bagnole.
LAURENT
Pardonne-moi… Mais j’ai besoin de toi.
3. EXT. soir. UNE MENUISERIE DESAFFECTEE
Paul stoppe sa voiture aux abords de l’usine. Il en descend et ouvre la portière à son frère qui descend lentement de l’auto en se tenant le crâne.
PAUL
(avec une grimace de douleur) Argh, ma tête…
Le médecin titube un peu, balade un regard autour de lui. Un grand batiment avec rien autour, en pleine cambrousse. Il voit son frère. Ses synapses se reconnectent,il se rappelle avoir eu des mots avec lui, puis le trou noir. Comprenant qu’il a été conduit là contre son gré, il se jette sur son frère et le prend par le col back.
PAUL
Ou tu m’as emmené! Salopard, tu sais que ça porte un nom ça ! Ca s’appelle un enlèvement
LAURENT
(secoué comme un pantin) Ben va-y, casse-moi la gueule ! (ajoute en désignant la blessée à bord) Mais ça va pas arranger les choses!
Paul le lâche avec une grimace d’écoeurement pour porter assistance à la passagère. Il l’extrait avec infinie délicatesse de la voiture, mais c’est Laurent seul qui porte son amie jusque dans l’usine.
4. INT. SOIR. MENUISERIE
Paul allonge la fille sur un établi en poussant au passage tout le matériel dessus. Le docteur se penche sur elle.
PAUL
(à son frère)Va me chercher ma trousse et trouve-moi des couvertures. Elle a froid.
5. INT. SOIR. MENUISERIE
Paul surélève la tête de la blessée sur un morceau de laine de verre. Il presse quelques instants la plaie avec un mouchoir, puis demande à son assistant de garder la pression sur la blessure.
PAUL
Je vais essayer d’extraire la balle.
Il sort une seringue de sa mallette.
PAUL
Je vais commencer par lui injecter un calmant. Puis tu la maintiendras pendant que j’opère. Je te cache pas que ça risque de lui piquer quand même.
6. INT. SOIR. MENUISERIE
Paul entreprend d’extraire la balle. Le corps est hors champ. Laurent maintient son amie qui hurle de douleur.
LAURENT
(tout en la maintenant) Je suis là mon coeur. C’est pour ton bien… Tiens le coup mon bébé !
La fille finit par perdre connaissance. Gros plan sur ses bras qui se relâchent. Le jeune homme effleure d’une main tremblantes ses paupières fermées, puis tourne un visage rageur vers le toubib.
LAURENT
Elle est morte ! Elle est morte ! Tu l’as tuée, tu l’as pas sauvée !
Laurent se rue sur Paul lequel lui attrape les valseuses et le laisse pantois.
PAUL
Bon, ça va t’es calmé maintenant? (il saisit la main de son frère et la plaque sur la poitrine de la femme)Son coeur bat, couillon, tu le sens pas?
Laurent prend sa tête entre ses mains, penaud.
Laurent
Excuse-moi… Je deviens fou dans ces moments là… Mais j’ai peur, tu comprends, je veux pas la perdre! Elle est ce qui m’est arrivé de meilleur…
Paul regarde Laurent, l’air un peu gêné. Il pose la main sur l’épaule de son frère.
PAUL
J’ai extrait la balle. Elle a perdu pas mal de sang mais j’ai pu stopper l’hémorragie c’est l’essentiel. Allez, t’en fais pas, elle devrait s’en tirer…
(s’ensuit un silence qui appelle des confidences)
PAUL
Tu peux peut-être m’expliquer, maintenant? Ce qui s’est passé? Et pourquoi t’as pas voulu appeler le samu?
LAURENT
Avec Manon on s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment… et j’ai un casier, tu comprends!
PAUL
Ca, ça m’étonne moins.
Laurent regarde son frère avec une amertume teintée d’ironie.
LAURENT
Tout le monde n’a pas ta classe, ton standing, ton intelligence! Mais moi j’ai l’amour. Toi, je sais pas.
Le silence de Paul est aveu. Son frère vient de marquer un point.
PAUL
Puisqu’elle est la prunelle de tes yeux, tu vas veiller sur elle. Moi je vais me reposer un peu. Tu viens me trouver si y a besoin.
Le médecin s’éloigne. Laurent le rappelle.
LAURENT
Eh, Paul !
Paul se retourne.
LAURENT
(en esquissant un sourire) Merci.